Composé de 12 chansons, l’album l’épopée de Daghbaji est une lutte artistique contre l’oubli, la réhabilitation d’un militant tunisien et une aventure artistique mêlant les différents genres musicaux.
D’ailleurs, l’album vient d’être sélectionné pour la compétition officielle de la troisième édition des Journées musicales de Carthage, qui se tiendra au mois d’avril 2016. Le lancement se fera, très bientôt, sur les réseaux sociaux, par la diffusion de trois clips.
Si des personnalités nationales restent parfois dans l’ombre pour une raison ou pour une autre, des écrivains, des historiens, des cinéastes ou des musiciens viennent pour les dépoussiérer. Notre invité a choisi de puiser sa création dans l’histoire de Mohamed Daghbaji, résistant du sud tunisien contre l’occupation française, exécuté le 1er mars 1924.
Résurrection artistique de Daghbaji
Pour le jeune artiste, « L’Epopée de Daghbaji » traduit une position par rapport à ce qui se passe maintenant. Au-delà de sa fonction artistique, la musique, pour Mohamed Ben Slama est « une forme de résistance et ce n’est pas une résistance au sens classique du terme ». Si l’artiste a qualifié son choix artistique de résistance, c’est parce qu’il existe plusieurs justificatifs pour ce choix.
En premier lieu, c’est une résistance contre l’oubli : appeler l’album l’Epopée de Daghbaji est une façon de commémorer la disparition de Mohamed Daghbaji qui était un altermondialiste prématuré puisqu’il a combattu au Maroc et en Algérie.
En second lieu, c’est une résistance artistique afin de sauver une partie du patrimoine musical tunisien de l’oubli : « Force est de constater qu’une bonne partie du patrimoine musical tunisien n’est pas numérisé et est souvent présenté comme du Malouf mais, il existe bel et bien d’autres patrimoines musicaux à l’instar du Stambali et du Salhi dans le Sud tunisien et le Nord-Ouest qui ne sont pas reconnus par les autorités officielles », regrette-t-il. Pour notre artiste, le contexte de la mondialisation impose la numérisation du patrimoine afin de ne pas le laisser sombrer dans l’oubli surtout que plusieurs textes ont été censurés à l’époque de la colonisation d’où la nécessité de l’exploiter.
A l’intérieur de l’œuvre musicale
Comment l’album a-t-il été conçu ? A cette question l’artiste nous confie qu’il a fait le choix de revisiter des chansons anonymes qui ont été écrites sur Daghbahi en essayant de les habiller avec une musique bien arrangée, multiethnique et multiconfessionnelle. « La musique engagée en tunisien a mis en valeur les paroles plutôt que la mélodie. Ce que je veux faire c’est mettre aussi en valeur la musique grâce à un habillage très bien arrangé », explique-t-il.
Les thèmes récurrents dans l’album sont des thèmes d’actualité : la Tunisie d’aujourd’hui, les quartiers populaires et autres. Ainsi les thèmes se focalisent sur les marginaux de la société : « : Justement nous nous intéressons à la frange défavorisée de la société, c’est notre approche. Il faut se focaliser sur elle pour comprendre ce qui se passe au centre », indique-t-il.
Mohamed Ben Slama est le compositeur officiel de l’album avec l’aide d’autres arrangeurs. Quant aux textes, quelques uns sont écrits par l’artiste et d’autres sont des textes écrits par feu Belgacem Yakoubi et par Noureddine Ouerghi.
Parmi les objectif de l’album, la réconciliation des jeunes avec le patrimoine musical : « Faire de la musique ici et maintenant en Tunisie, en 2016, c’est penser à des éléments interactifs. Raison pour laquelle je suis en train de faire de la recherche par rapport à la question de la forme (aspect rythmique, arrangement) afin de nous rapprocher des jeunes » .
Recherche du financement
Obtenir les fonds nécessaires pour mener à bien le projet en question n’était pas une tâche aisée. Notre invité a indiqué qu’il a fait du Crowfunding pour pouvoir financer son album et qu’il a fait de son mieux pour organiser des spectacles dans le cadre de festivals : « Je me suis débrouillé pour monter sur scène pour avoir de l’argent et enregistrer mon album en studio dans les règles de l’art ». « On n’a pas les moyens pour faire un très bon monitoring en Tunisie. Le ministère de la Culture ne nous aide pas », conclut-il.