Quelle perception a le Tunisien sur la corruption? Quels sont les domaines les plus touchés par ce phénomène et à quel degré s’est-il répandu? C’est en partie le débat qu’ a organisé hier Sigma Conseil sur l’état des lieux et les remèdes à la corruption.
D’après une enquête consacrée à l’état des lieux de la corruption en Tunisie, un grand nombre de Tunisiens considèrent que depuis cinq ans la corruption a augmenté. « Ils sont 78% à le confirmer, alors que 64% des sondés estiment qu’elle a beaucoup augmenté », a confié Hassen Zargouni, lors de sa présentation.
Et d’ajouter que : « Quand on a posé la question de savoir si au cours de l’année précédente, ils avaient eu à vivre une situation de corruption ou pas, 27 % des sondés ont répondu par l’affirmative. Sur ce pourcentage, on a eu en moyenne trois fois une situation durant laquelle on était confronté à un état de corruption actif ou passif ».
A la question: « Avez-vous dénoncé ces cas de corruption? 91% ont affirmé qu’ils ne l’avaient pas fait. Pour 53% des Tunisiens sondés, la raison invoquée est l’absence de crédibilité et de réaction accordée par les institutions concernées. »
Il poursuit : « Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que les Tunisiens vivent une situation paradoxale, entre ceux qui dénoncent certaines situations de corruption, notamment dans l’enseignement avec le système des pistons, et ceux qui, pour trouver du travail, sont plus tolérants et reconnaissent avoir payé un petit billet, un “bakchiche” pour passer à une consultation rapidement.
En quelque sorte, ceci permet de leur faciliter la vie. Il est clair qu’il y a cette ambivalence entre ceux qui sont contre et ceux qui tolèrent. Pour d’autres, la situation est beaucoup plus défavorable lorsqu’il s’agit du travail des agents administratifs, ce qui explique que certains agents acceptent les pots de vin.
Ils se disent que dans certaines administrations il n’y a pas de contrôle; l’administration elle-même est incriminée. Et finalement, pour les sondés, il en ressort, que c’est le gouvernement en premier lieu qui doit agir, ainsi que la société civile et les pouvoirs législatifs, par l’adoption de lois pour que tout ceci change. »
Pour Mohamed Bennour, « il y a un flou total, car on ne peut pas construire une démocratie sans que les partis politiques déclarent leur source de financement et il ne faut pas que ces financements proviennent de l’étranger. Il faut qu’il y ait une loi claire quant au financement des partis. On ne peut construire une démocratie sans que les règles du jeu soient transparentes. »
Pour Mme Leila Chettaoui, c’est plus qu’une perception. « C’est une réalité qu’observe le Tunisien dans sa vie de tous les jours qui devient extrêmement compliquée. Mme Chettaoui pense qu’il s’agit d’une réaction normale après la révolution. On parle d’une organisation vers une réorganisation. L’étape de passer à une réorganisation est essentielle parce qu’il y a un vide qui s’installe. Il est tout à fait normal de constater la présence de la corruption dans toutes les expériences de transition politique. Ces pays ont régressé en matière de lutte contre la corruption.
Cette transition est normale, d’autres pays sont passé par là, mais maintenant il est temps de trouver un plan d’action, à savoir une stratégie globale pour redonner confiance aux Tunisiens. Quand on parle de corruption, on parle d’absence de transparence, mais aussi d’absence d’une application stricte de la loi. »
Qu’en est il sur le plan juridique? Il y a une absence de texte juridique en matière de lutte contre la corruption. Il est extrêmement difficile de faire la coordination entre les trois pouvoirs exécutif, législatif, et judiciaire. Il est essentiel que ces trois pouvoirs coordonnent leurs actions.
Et d’ailleurs, on le constate, il y a une prise de conscience des enjeux, notamment à travers la collaboration du ministère de la Santé, en termes de transparence. Cela donnera plus de confiance au Tunisien, qui va ressentir le changement dans la vie de tous les jours, quand il pourra avoir facilement un rendez vous au lieu d’attendre des jours. C’est là où réside le challenge.