L’Union européenne constitue le principal partenaire commercial de la Tunisie : 80% de ses échanges commerciaux. La Tunisie est aussi le premier pays de la rive sud de la Méditerranée qui a signé un Accord d’Association avec l’Union européenne en 1995. Cet accord constitue le cadre juridique de la coopération et du partenariat entre l’UE et la Tunisie.
L’Accord d’Association, entré en vigueur le 1er mars 1998, établit, à terme, une zone de libre-échange ( ZLE ) entre les deux parties. Le 1er janvier 2008, la Tunisie est devenue le premier pays de la rive sud à intégrer la zone de libre-échange pour les produits industriels avec l’Union Européenne. Le principe d’un statut avancé est alors agréé à l’occasion du Conseil d’association du 11 novembre 2008, sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, et signé en novembre 2012. Ce statut avancé a ouvert la voie à un processus d’Accord de Libre-Echange Complet et Approfondi ( ALECA ), dont les négociations ont été lancées à Tunis, en octobre 2015. Le Parlement européen vient d’approuver l’ouverture de négociations en vue de la conclusion de l’ALECA, qui concerne en particulier les secteurs des services, de l’agriculture, de l’industrie, des marchés publics. Il s’agit là d’une nouvelle page dans les relations euro-tunisiennes.
Il n’empêche, un tel accord suscite un débat sur son opportunité pour la Tunisie : le pays a-t-il vraiment intérêt à conclure un tel traité de libre-échange?
La perspective d’un tel accord fait l’objet de critiques en Tunisie comme en Europe. La crainte est de voir cet accord se transformer en véritable « tsunami » qui s’abattrait sur le marché tunisien. Le leader français du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, a qualifié le processus en cours de « politique d’annexion économique de l’UE envers son voisinage et la destruction qu’elle provoque » (voir son Blog). Il propose une coopération plus égalitaire, dans le respect de la souveraineté de la Tunisie et de l’essor économique et social de l’espace méditerranéen. C’est aussi dans un souci d’équité que la députée européenne Marietje Schaake appelle l’Union européenne à ouvrir davantage son marché aux produits tunisiens : « Nous devons nous assurer que le marché tunisien ne sera pas inondé de produits européens, car cela poserait de très sérieux problèmes aux producteurs tunisiens. Bien évidemment, il faudra clarifier les choses dès le départ. Il ne s’agira pas d’un chèque en blanc: il faudra que les produits tunisiens soient conformes aux normes européennes. L’accord sur le libre-échange devrait étendre les standards européens aux domaines de l’environnement, de la défense du consommateur et les droits des travailleurs en Tunisie. D’ailleurs, toutes ces conformités seront bénéfiques à la compétitivité des produits et services tunisiens à l’échelle mondiale .» (European Business Express)
Au regard du poids asymétrique des secteurs économiques concernés, la députée européenne craint légitimement qu’un tel accord ne fasse qu’accroître les difficultés économiques du pays. C’est pourquoi, les négociateurs devront être guidés par un principe de « rééquilibre » : le marché de l’UE doit s’ouvrir davantage aux entreprises tunisiennes, que le marché tunisien aux produits européens. Comment interpréter ce type d’opinion exprimé en Europe? Réflexe paternaliste teinté de condescendance ou au contraire expression d’une analyse réaliste animée par un sentiment de solidarité?
Quoi qu’il en soit, le Parlement européen n’est pas resté insensible à ces alertes. Sa résolution sur l’ouverture des négociations appelle ainsi « les négociateurs à conclure un accord progressif et asymétrique qui prenne en compte les disparités économiques significatives entre les parties ». L’idée est bien d’ouvrir les différents secteurs de l’économie de la Tunisie de manière graduelle et symétrique. Certains produits pourront même être exclus de cette libéralisation.
Au-delà de cet accord de libre-échange, il convient de souligner combien l’Europe se doit de s’engager dans une stratégie plus globale d’aide et de soutien en direction d’un pays qui a osé emprunter la voie tortueuse de la transition politique et économique. Certes, la Tunisie est l’un des premiers bénéficiaires de l’aide européenne (390 M € pour 2011-2013) et la Commission européenne a proposé d’accorder à la Tunisie une assistance macro-financière supplémentaire de 500 millions d’euros au maximum, sous forme de prêts à moyen terme. Il n’empêche, pour l’instant, l’Europe est loin d’être à la hauteur des enjeux de ce qui se joue chez son voisin tunisien… La Tunisie n’est pas qu’un marché.