Mohamed Salah Hedri, colonel de l’Armée tunisienne à la retraite, expert en stratégie militaire, président de l’Association des brigades de défense civile et chercheur en sciences politiques nous donne sa lecture de l’attaque terroriste de Ben Guerdane.
Pour notre interlocuteur, il s’agit de la première opération terroriste de cette ampleur depuis la révolution. Cette opération terroriste rappelle une autre : celle des événements de Gafsa en 1980. « C’est la même méthode, ils se sont attaqués à la caserne et ont pris des soldats en otage. Depuis cette action aucune opération similaire ne s’est produite », indique-t-il.
Quelle remarque pourrions-nous faire à propos de cette opération? A cette question, notre interlocuteur avance que ces terroristes vivent dans la ville de Ben Guerdane et leur objectif était de s’emparer de cette ville en s’attaquant aux institutions de l’Etat, à savoir la caserne de l’Armée nationale et le poste de la Garde Nationale. « Il semble aussi que l’imam qui a appelé à la prière de l’aube n’est pas l’imam habituel, il semble aussi que l’appel à la prière était le signal pour commencer l’attaque », dit-il.
Le colonel à la retraite a indiqué deux possibilités: soit que les terroristes attendaient de l’aide venant de la Libye, soit ils ont cru que les habitants de la ville allaient se soulever contre le pouvoir en place. « Ils ont lancé des appels pour dire nous sommes venus vous libérer et instaurer un Etat islamique », dit-il.
Ainsi si le plan des terroristes avait réussi, la ville de Ben Guerdene serait devenue le sanctuaire des terroristes. « Ils n’ont plus de sanctuaire car les tribus libyennes qui les soutenaient ne les soutiennent plus. D’ailleurs des combats ont eu lieu entre les miliciens de Fajer Libya et les groupe terroristes de Daech, après l’attaque américaine à Sabrata », explique-t-il.
Et ce n’est pas uniquement ça. Mohamed Salah Hedri fait remarquer que les voitures qui ont été utilisées lors de l’opération d’aujourd’hui sont tunisiennes. « Donc des questions se posent, le ministère de la Défense a annoncé l’existence d’un système de défense puissant, alors comment un groupe terroristes arrive-t-il à contourner ce système et arriver jusqu’à la caserne ?», s’interroge-t-il. Et de continuer: « D’après une information relayée par radio jeunes, certains soldats ont été tués dans la caserne. »
Mohamed Salah Hedri considère que c’est une victoire « mais, il faut garder les yeux grands ouverts pour le prochain combat car cette attaque n’est qu’un début, c’est le prélude à de nouveaux combats et nous devons rester vigilants malgré la victoire d’aujourd’hui », avertit-il.
Au plan communication, le colonel à la retraite a tenu à saluer le président de la République Béji Caïd Essebsi pour son intervention téléphonique sur les ondes de Radio-Tataouine. « C’était une intervention rapide et il a choisi de s’exprimer sur la radio régionale de Tataouine ce qui veut dire qu’il a montré un respect et une valeur pour les habitants du sud tunisien. Et sachez qu’on est tous Tunisiens et qu’il n’existe aucune différence entre les régions », affirme-t-il.
Dans le cadre du soutient et du réconfort des forces de l’ordre, il a proposé la promotion du corps sécuritaire ayant accompli des prouesses à l’instar du Colonel Mahjoubi qui a mené l’opération de mercredi dernier.
En ce qui concerne les habitants de Ben Guerdane, notre interlocuteur a indiqué qu’ils se sont mobilisés fortement pour soutenir les forces de l’ordre et l’armée. « Cependant, les terroristes ont pu accéder à la ville grâce au soutien d’un certain nombre d’habitants. Il y a une « couveuse terroriste » mais elle est limitée. Ce qui incite à découvrir les identités des habitants de la ville qui soutiennent les terroristes et je rappelle que l’opération de mercredi dernier compte quatre terroristes originaires de la ville de Ben Guerdane ».
En conclusion, Mohamed Salah Hedri a lancé un appel à tous les Tunisiens pour observer tous les mouvements suspects dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et de les signaler immédiatement à la Garde nationale (193) à Police secours (197), au numéro vert pour dénoncer (80 10 11) et au numéro du ministère de l’Intérieur (71 335 000).
« Dénoncer les terroristes est un devoir national, rien à voir avec la délation », conclut-il.