On s’y attendait, on le craignait même, sans trop y croire. Pourtant, la multiplication d’agressions, d’incursions, de raids terroristes solitaires ou en petits groupes nous faisait craindre le pire. Et puis, l’impensable vient de se produire dans la matinée du lundi 7 mars à Ben Guerdane.
On ne dira jamais assez le courage, le dévouement pour la patrie et l’attachement à l’unité nationale de cette ville frontalière, qui côtoie sans cesse le danger terroriste.
Il est trop tôt pour l’annoncer, mais déjà on en perçoit les prémices. Ben Guerdane sonne le glas du terrorisme jihadiste. Ce dernier voulait en faire son bastion, son sanctuaire, le porte-étendard d’un funeste califat. C’était mal connaître Ben Guerdane la frondeuse, mais toujours loyale au nationalisme à fleur de peau.
L’histoire dira que c’est dans ces terres du sud tunisien, hostiles à toute forme d’occupation étrangère, que le terrorisme fut terrorisé, au prix d’inconsolables pertes en vies humaines parmi les civils, les militaires, les forces de l’ordre et de sécurité. Ils sont morts pour la patrie, qui leur est reconnaissante.
La nébuleuse terroriste a osé l’impensable, investir toute une ville en lançant l’assaut contre ses principaux avant-postes de défense : la caserne, les postes de la police, de la garde nationale et de la douane. La riposte fut foudroyante, même si un grand nombre d’innocents l’ont payé de leur vie.
A la vérité, cette douloureuse épreuve nous rassure autant qu’elle nous effraye. On sait désormais que la forteresse Tunisie est imprenable, dussions-nous consentir d’énormes sacrifices. L’opinion était tétanisée, tant elle vivait sous la menace terroriste ; l’affrontement de Ben Guerdane, qui marque pourtant une nouvelle escalade et prouve à quel point il est « coordonné et planifié », a crevé l’abcès et a été, d’une certaine manière, une sorte de délivrance. Nous voilà désormais installés pleinement dans la guerre contre le terrorisme.
Plus personne, ni aucune formation politique, n’osera se dérober à ses obligations, ni baisser la garde.
Car c’est aussi de cela qu’il s’agit. A la guerre comme à la guerre. Nous devons faire bloc, taire nos divergences, mettre en sourdine nos querelles de chapelle et nos revendications à tout bout de champ et ne jurer fidélité et allégeance qu’au pays et à l’Etat, le nôtre, qui ne laisse aucun doute quant à l’indispensable séparation du politique et de la religion.
L’union sacrée, sinon rien, même si le terme est très galvaudé; elle n’est pas moins désormais à l’ordre du jour et non pas que dans les propos et les discours.
Nous sommes en guerre contre le terrorisme, aux ramifications planétaires, qui a réussi à infester le pays sans qu’on y prenne garde. A moins qu’il ait bénéficié, à une époque trouble de notre histoire, d’une certaine neutralité bienveillante quand il ne s’agissait pas d’une quelconque complicité.
Nous sommes en guerre contre le terrorisme, nous devons nous donner les moyens de le combattre et de ne pas nous laisser surprendre. Il faut pour cela un gouvernement, et un chef de guerre, pour mener les prochaines batailles et extraire jusqu’à la racine cette bête immonde.
L’attaque de Ben Guerdane apporte la démonstration de la gravité de la menace terroriste. Le raid a été lancé selon un mode opératoire du genre de ceux utilisés en Irak, en Syrie, en Libye et ailleurs. Mais la Tunisie ne ressemble à aucun de ces pays de la région. Car c’est ici que fut proclamé, il y a 60 ans, le Code du statut personnel, que furent généralisés l’enseignement et la mixité, que fut initiée dès 1964 la transition démographique et que furent édifiées les premières lignes de développement industriel et une vraie politique de l’habitat qui ont fait émerger assez tôt une impressionnante classe moyenne, qui ne se laissera pas disputer ou dérober ses propres acquis. Le terrorisme se fracassera contre l’envie de vivre des Tunisiens.
Le combat sera long, difficile, coûteux en vies humaines et en sacrifices en tout genre. L’occasion pour nous de ressouder nos rangs, de nous investir pleinement dans le travail, la création de richesses et d’emplois. L’occasion aussi pour nous de mesurer le degré de solidarité des pays frères et amis. Car dans ce combat, nous ne voulons pas et nous ne devons pas être seuls. On verra qui de ces pays saura le plus nous apporter aide financière, appui logistique et soutien militaire. L’enjeu n’est rien d’autre que la défense des libertés et de la démocratie dans le monde. Il serait injuste que nous soyons les seuls à les revendiquer et à en assumer le prix .