A l’ombre du chaos libyen, Ben Guerdane, ville frontalière, sur la « ligne Maginot » de la défense du pays, pouvait être à la merci de l’extension de Daech, ce qui explique que les services de sécurité soient sur le qui-vive, pour déjouer tout effet de surprise de toute opération terroriste en préparation. D’ailleurs, l’Armée tunisienne a bien pu intercepter à temps de nombreux commandos.
Le raid américain sur un immeuble de la ville de Sabratha, érigé en camp de l’organisation jihadiste, le 19 février 2016, devait sanctionner les opérations de Daech, qui préparait des interventions en Tunisie. Cette localité située à 70 kilomètres à l’ouest de Tripoli est située sur la route côtière reliant Tripoli à la frontière tunisienne. Ne se déclarant pas vaincu, ce commando a réussi à occuper pendant plusieurs heures le centre de Sabrata, mardi 23 février. Les assauts contre Ben Guerdane s’inscrivent dans le contexte de cette flambée de violences, à la frontière tunisienne, corroborée par le tournant du raid américain.
On peut toujours supposer des « brèches » dans la lutte antiterroriste. Les analystes français ont cru voir des failles dans la lutte, des « manquements », lors des attaques du 13 novembre de Paris. Mais n’exagérons point. Les mouvements terroristes opèrent par surprise, ils agissent tous azimuts. Ce qui rend la surveillance particulièrement difficile. Ils ont pu déjouer des services de renseignements performants aux USA, en Angleterre, en France, en Turquie etc.
Novice dans le domaine, l’Armée tunisienne a réussi à renverser la vapeur et à réaliser une véritable épopée, qu’ont doit saluer et célébrer. D’autre part, la population civile, affirmant son patriotisme et son attachement à sa citoyenneté, s’est mobilisée au service de la lutte contre le terrorisme. La tunisianité, marquée par l’adhésion à l’Islam zeitounien, irriguée par la lecture réformiste des grands oulémas tunisiens, depuis le XIXe siècle et l’idéaltype bourguibien, ne pouvait tolérer la mouvance obscurantiste. Prenons la juste mesure de la valeur de ce rejet.
L’unité nationale doit être reconstruite- je dirais même corrigée – par cet impératif de la défense de l’Etat-nation, le développement des débats contre les dérives pseudo-califales – qu’il s’agisse de Daech, ou du pseudo 6e califat ! Réhabilitons l’école de pensée tunisienne, soyons à l’écoute du discours de promotion de l’homme.
Fallait-il organiser un congrès contre le terrorisme à cet effet. Ne perdons pas cependant de vue qu’ « on ne règle pas les problèmes avec ceux qui les ont créés » (Albert Einstein). Ce qui impose la lucidité, la clairvoyance et la prudente méfiance, dans l’organisation de dialogues nationaux de consensus.