L’école tunisienne ne semble pas outiller les élèves des compétences nécessaires pour affronter la vie courante, mais aussi pour l’insertion dans la vie économique. Comment expliquer cette inégalité en qualité d’éducation en Tunisie ?
Tel est en partie le débat organisé aujourd’hui par le North Africa Bureau of Economic Studies (NABES), présidé par Mustapha Kamel Nabli. Il faut se rendre à l’évidence : aujourd’hui, l’éducation n’est pas accessible à tous les élèves. Pour mieux comprendre ce phénomène, il faut en connaître les causes, indique Mohamed Ayadi, universitaire.
Il déclare “ Une des causes est l’indigence de la famille. Seulement 2.9% élèves tunisiens issus de milieux défavorisés surmontent l’obstacle que constitue leur situation économique difficile”.
Selon lui, il faudrait revoir la méthode d’évaluation, revoir les programmes et les supports pédagogiques pour que l’apprentissage puisse se réaliser exclusivement pendant les horaires scolaires, sans recourir aux horaires extrascolaires. Il ajoute: « Il faut revoir le programme scolaire, aider les familles à supporter les coûts, essayer d’améliorer les outils pédagogiques et motiver surtout les enseignants car le côté motivation est très important ».
Sur un autre plan, l’abandon scolaire est également fortement lié à l’absence de pré-scolarisation des enfants, laquelle est concentrée dans les métropoles et est très rare dans les gouvernorats défavorisés.
La différenciation entre les trois zones urbaine, périurbaine et rurale, dans les régions littorales, montre un important écart entre les niveaux des inputs familiaux de ces zones. Cet écart se creuse davantage quand on les compare aux zones rurales, dont les inputs offerts par les familles sont même plus faibles que ceux du sud, mais restent meilleurs que ceux des régions intérieures.
Selon les données qu’a présenté M. Ayadi, montre que 34% des élèves dans les régions intérieures disposent d’un ordinateur au foyer dont ils peuvent s’en servir pour le travail scolaire, contrairement dans le milieu rural où 75% des élèves s’en servent.
Abordant la question des ressources scolaires offertes par la famille, une des causes principales des disparités.
M. Ayadi s’est penché aussi sur le sujet en montrant que dans les régions littorales offrent un meilleur entourage familial. Quant à la détérioration de ces ressources est accentuée dans les régions intérieures du pays. Cela dit, l’une des explications est liée à la pauvreté. Rappelons que le taux pauvreté moyen au centre ouest s’élève à 32%, est quatre fois de celui du centre es (8%). Autrement dit, les familles dans les régions intérieures ont le plus mauvais indicateur en termes de potentialité d’appui à leurs élèves.
Pour faire face à ce fléau qui ne cesse de se propager, Sonia Naccache, universitaire, déclare que la solution selon elle c’est d’adopter une vision d’économiste. Elle précise: “Nous prônons justement la révision de la réforme de l’enseignement, en ce sens que l’enseignement ne doit pas commencer à l’âge de six ans, mais bien avant. Il faut penser à la généralisation de l’éducation préscolaire dès l’âge de trois ans afin d’améliorer la qualité de l’éducation et donner à tous les enfants des chances égales.”
“Il y a aussi l’ élément économique qui entre en ligne de compte, les conditions précaires des régions où habitent les élèves. Pour limiter l’abandon scolaire, le redoublement et la faiblesse du niveau, nous devons prendre au sérieux le préscolaire.”, poursuit-elle.
Elle conclut: “Il faut cesser de regarder les difficultés scolaires comme étant des choses purement pédagogiques. Cela dit, il faut agir parce l’échec scolaire n’est pas la faute de l’élève, c’est la responsabilité de l’école, mais aussi des conditions économiques ».
Les inégalités dans le système éducatif se creusent de plus en plus depuis plus vingt ans. Un constat que tout le monde crie haut et fort.
Cela dit l’égalité des chances pourra-t-elle constituer un nouvel élément de construction de l’école de demain? A suivre…