Qu’avons-nous fait de nos 60 ans d’indépendance? Est ce que la Tunisie a été fidèle aux sacrifices des Tunisiens ayant participé à la lutte pour l’indépendance du pays ? Rencontré lors d’une conférence-débat, ayant pour thème : « Qu’avons-nous fait de nos 60 ans d’indépendance », Ahmed Ounaies, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien diplomate, dresse un bilan de soixante ans d’indépendance. Interview:
leconomistemaghrebin :Soixante ans après, quel est le bilan?
Ahmed Ounaies : Soixante ans d’indépendance, c’est une nouvelle société tunisienne. D’abord, la société est entrée dans les années 50 et 60 dans une évolution rapide, qui en a fait une société arabe d’avant-garde. Les acquis de ces quinze premières années d’indépendance ont donné naissance à un niveau d’exigence, une ambition de civilisation qui ont conféré à la Tunisie une position d’“avant garde” jamais perdue depuis.
Je crois que la société tunisienne a mis fin au despotisme, à l’hypocrisie et au détournement de l’Etat. Cette cause a été bien comprise par nos partenaires qui nous avaient colonisé d’Europe occidentale et de l’Occident en général. Par contre, nous n’avons pas été compris par les sociétés arabes ni par les dirigeants arabes, ni à l’époque, encore moins aujourd’hui et au lendemain de la révolution.
La Tunisie a été isolée dans sa stratégie de réformes fondamentales dès lendemain de l’indépendance mais elle n’était pas isolée dans le monde, elle était isolée dans le monde arabe.
Quels sont les acquis?
C’est aujourd’hui que nous consolidons nos acquis en tant que première société arabe démocratique de l’histoire. Nous restons isolés dans le monde arabe, mais nous ne sommes pas isolés dans le monde, prenons l’exemple du Prix Nobel de la Paix. Il signifie que nous appartenons à la civilisation de notre temps.
Comment voyez-vous la situation actuelle?
Dans le paysage actuel, la Tunisie est visée parce qu’elle se maintient dans l’option fondamentale de la modernité, de la démocratie, et de la promotion de l’Homme. C’est à dire de la dignité de l’Homme y compris de la Femme. D’autres pourraient être ciblés pour d’autres raisons, mais nous n’avons pas d’autres trésors que cette option de civilisation dans laquelle nous nous sommes engagés totalement. C’est à la fois la fructification de la semence voulue et réalisée, en partie, par Habib Bourguiba et qui fut imprimée et cultivée par la société tunisienne.
Si nous sommes aujourd’hui isolés dans le monde arabe c’est parce que, malheureusement, une partie du monde arabe est complice de ce terrorisme qui nous menace. Mais nous l’emporterons simplement parce que c’est l’option juste de toute société civilisée.
Quel est l’intérêt de cette partie du monde arabe à vouloir provoquer ce chaos?
Ils sont farouchement opposés à l’idée qu’une société arabe puisse donner l’exemple d’un certain concept de l’Homme, d’une certaine organisation politique et sociale. Ces fanfarons qui se prétendaient supérieurs, qui se prétendaient plus en avance que les Tunisiens ont tout simplement coulé victimes de leur aveuglement.
Aujourd’hui, les enjeux sont plus importants. Nous, nous les réalisons, alors qu’eux, ils ne les réalisent pas encore. C’est pourquoi, nous sommes de plain-pied dans la civilisation de notre temps, tandis qu’eux, ils en sont encore loin.