Le 20 mars, nous célébrons 60 ans d’indépendance de la Tunisie. Quel est le bilan des réalisations? Les objectifs ont-ils été atteints ? Quelle perception a le Tunisien à propos de l’indépendance de son pays? Qu’évoque pour lui le mot indépendance?
C’est en partie le débat qu’ a organisé récemment Sigma Conseil ayant pour thème “Qu’avons-nous fait de nos 60 ans d’indépendance ? Quel est le degré de fierté des Tunisiens de leur indépendance?
D’après l’enquête Sigma sur l’indépendance, les Tunisiens en sont fiers à 87%. Ce qui est un peu décevant, a estimé Hassen Zargouni, directeur de Sigma conseil, en ajoutant que 6% se disent indifférents, dont 3% “pas du tout fiers”.
Quels sont les principaux acquis de l’indépendance? La réponse qui arrive en tête, c’est l’armée, avec 92%. Il précise: “L’Armée nationale est le principal acquis dont les Tunisiens se sentent fiers, parce qu’ils considèrent que c’est “ le fruit de cette indépendance”. En deuxième lieu, on trouve l’enseignement avec 83%, ensuite la République.
Selon Hassen Zargouni, presque trois-quarts des Tunisiens estiment que c’est la République l’un des plus grands acquis, mais aussi l’émancipation de la femme 64%, la couverture sociale 58%, l’interdiction de la polygamie 55%. “En somme, voilà énoncés les acquis de l’indépendance”, estime-t-il.
Abordant la question des principales personnalités qui ont contribué le plus à l’indépendance, en tête du classement se place le leader Habib Bourguiba avec 77%, suivi de Farhat Hached avec 42%, puis Salah Ben Youssef et Abdelaziz Thaalbi, qui ont le même pourcentage 15%, et vers la fin Daghbaji avec 8%.
Qu’en est-il de la perception de l’indépendance de la Tunisie sur le plan politique?
Seuls 62% des Tunisiens affirment que l’autonomie politique est réelle en Tunisie, dont 16% considèrent qu’elle est totale, contrairement à 42% qui soutiennent qu’elle est mitigée.
Tandis que 29% estiment qu’elle est dépendante de l’étranger. Parallèlement sur le plan économique, on trouve 8% qui disent que notre économie est totalement indépendante, 54% pensent qu’elle est partiellement indépendante, mais 34% estiment qu’elle est totalement dépendante de l’étranger, indique l’enquête Sigma Conseil.
Abordant la question des menaces qui portent sur l’indépendance. Le terrorisme se place en premier avec 72%, suivi de la situation aléatoire de l’ économie, 23%. Quant aux dissensions entre les partis politiques, ils sont 17% à penser qu’elles portent préjudice au pays, surtout au climat social. 6% estiment que la marginalisation des jeunes est un facteur d’instabilité, 5% sont préoccupés par la dette extérieure, 4% par les grèves et le chômage.
Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? Le directeur de Sigma conseil confie : “Il est clair que la notion d’Etat tunisien souverain est matérialisée par une armée, un drapeau, une République, la généralisation de l’enseignement et la femme, ce sont les principaux aspects que retiennent les Tunisiens quand on leur parle d’ indépendance. Ensuite la menace qui vient de l’extérieur : le terrorisme ; menace extérieure et intérieure, comme d’ailleurs disait le leader Habib Bourguiba :“ L’unique danger pour la patrie, ce sont ses propres enfants ».
Il poursuit: “Pour Moi, Bourguiba c’est l’idée du leadership, c’est un vrai leader visionnaire, il n’a pas peur de dire à son peuple les vérités que d’aucuns omettraient de dire par populisme. Et c’est ça la qualité d’un vrai leader, on en a besoin aujourd’hui plus que jamais”.
Par ailleurs, Mansour Moalla, ancien ministre de la Planification et des Finances sous Bourguiba (1980-1983), et économiste de son état, a indiqué pour sa part que la Tunisie a réussi à pérenniser ses acquis. Il déclare: “ Bien qu’il y ait eu des attentats terroristes, et tout ce qui se passe autour de nous, la structure tient encore. Je pense que nous avons tout pour réussir, il suffit juste un peu de volonté autour de nous pour que ça marche mieux. Souvenez-vous la phrase prémonitoire qu’a prononcée Bourguiba : “Les pires ennemis de la Tunisie ce sont ses enfants et non pas l’extérieur”. Pour moi, c’est un personnage extraordinaire qui respecte les gens qui se respectent. Je n’ai jamais eu de difficultés avec lui, pourtant j’ai quitté à quatre reprises le gouvernement”, dira-t-il en conclusion.
Toujours est-il que soixante ans après, beaucoup reste à faire. N’en déplaise à certains détracteurs, l’essentiel a été réalisé : l’obligation et la gratuité de l’enseignement, la République, l’accès au service de la santé publique, l’émancipation de la femme, le Code du statut personnel, l’interdiction de la polygamie, la couverture sociale. Même si d’autres conquêtes sont en cours de maturation, telles les libertés, la démocratie, la justice transitionnelle…