L’Association « Architectes Citoyens » ne voit pas d’un bon œil les nouveaux projets de loi sur l’aménagement du territoire, l’urbanisme et la promotion immobilière. Zoom sur des lois qui fâchent.
Souveraineté du territoire national en péril, volonté d’écarter la justice tunisienne et omniscience du pouvoir exécutif, telles sont les expressions qui reviennent le plus dans la conférence de presse tenue aujourd’hui par l’Association Architectes Citoyens à la Cité des sciences pour exposer ses inquiétudes par rapport aux nouveaux projets de loi qui « ont été préparés sans aucune concertation avec les parties prenantes ».
Ilyes Bellagha, président de l’association, a estimé que par le biais de ces projets de loi, l’Etat s’est approprié un certain nombre de prérogatives par lesquelles il peut liquider et gérer à sa guise les terres de l’Etat et même celles des privés.
Il s’agit de trois projets de loi dont les deux premiers concernent la promotion immobilière et les bâtiments menaçant ruine… » Nous craignons que les trois projets en question ouvrent la voie à la spéculation sur les terres domaniales ».
Mais qu’est-ce qui dérange dans lesdits projets de loi ?
L’article 3 du projet de loi sur la promotion immobilière permet aux étrangers résidents et non-résidents en Tunisie de contribuer au capital d’une entreprise tunisienne de promotion immobilière. Si la participation dépasse 50% du capital, la commission supérieure de l’investissement (composée d’ administratifs de différents ministères) devra trancher. D’après l’intervenant, un texte pareil ouvre la voie à la liquidation des terres et risque de toucher à la souveraineté de l’Etat. Il n’ y a aucun contrôleur en dehors de l’administration.
Par ailleurs, un autre souci se pose au niveau de la définition de la profession du promoteur immobilier. L’article 1 de la loi lui accorde les tâches de l’aménagement, la division, la construction, le renouvellement et la réhabilitation des bâtiments conçus pour le logement, commerces, professions ou pour des activités économiques.
En ce qui concerne le projet de loi relatif aux bâtiments menaçant ruine, son article premier précise que l’Etat peut intervenir pour confisquer le bien en cas de risque d’effondrement. S’ajoute à cela que ce projet « a mis de côté la justice tunisienne car en cas de plainte le citoyen est tenu de s’adresser à la collectivité locale dont la décision équivaut à une sentence du Tribunal de première instance » (article 6,7 et 9). Ainsi d’après le même intervenant, le seul recours contre la municipalité est de s’adresser à la justice administrative. Ainsi l’Etat est juge et partie à la fois », conclut-il.
« Tunisia Economic City » en est le meilleur exemple
Ce sujet a surgi de nouveau sur les médias audiovisuels, raison pour laquelle Ilyes Bellagha a choisi de braquer la lumière sur lui de nouveau. Il s’agit d’une ville composée de 14 lots. Le projet s’étend sur 90 km2 soit le 1/6 de Djerba. En 2014, le mètre carré dans cette zone coûtait à la société 500 dinars. L’Etat tunisien contribuera en mettant le prix du terrain : « Mais nous n’avons pas encore connaissance de ce prix et les responsables disent qu’ils sont encore en train de l’évaluer », s’étonne-t-il. « Ainsi 90 kilomètres carrés ne feront plus partie de la souveraineté de l’Etat tunisien et feront partie de la souveraineté d’une entreprise qui, tout porte à croire, qu’elle est fictive ».
Expliquant pourquoi il a estimé qu’il s’agit d’une entreprise fictive, il a rappelé qu’en 2014, le financement était saoudien et en 2015, ce financement est devenu émirati par le biais du ministère de l’Economie de ce pays. Le projet en question a des répercussions environnementales (vidéo).
Pas de consensus, pas de concertation…
C’est l’impression qui se dégage de l’intervention de Montassar Maghraoui, secrétaire général de l’Ordre des architectes tunisiens. « Nous aurions aimé que l’administration coordonne avec nous pour l’élaboration des projets de loi qui nous concernent en premier lieu », regrette-t-il et de continuer : « Mais nous avons été surpris de recevoir une copie du projet de loi sur laquelle était écrit « Version finale »
Un tableau noir qui se dégage de la situation.
L’économiste et spécialiste en gouvernance Moez Joudi, quant à lui, a rappelé que le Maroc a annoncé qu’il a été piégé par des entreprises fictives qu’il a expulsées de son territoire. Dans le même contexte, il a rappelé que le contexte économique difficile de la Tunisie oblige les décideurs à traiter avec ce genre de spéculateurs. Il a recommandé à ce que l’Etat demande à ses investisseurs qu’ils injectent une partie de leur financement pour prouver leurs bonnes intentions avant de soumettre le projet comme garantie. Et de se demander si l’Etat tunisien était bien assisté dans ce genre de contrat surtout que ce genre d’entreprise peut l’attaquer devant la justice en utilisant le moyen de l’arbitrage.
Aucun de ces grands projets n’a présenté de garanties.
Samir Taïeb : » Nous ne sommes plus à l’époque des gouvernements provisoires »
Lors de son intervention, il a rappelé que le gouvernement n’est pas un gouvernement provisoire et qu’il doit agir pour résoudre les problèmes majeurs du pays. Commentant les textes juridiques, il a affirmé que ces derniers accordent un grand pouvoir au pouvoir exécutif.