C’est toujours et encore la croix et la bannière pour les ouvrières dans le secteur agricole vu que le respect de la loi n’est pas la priorité pour leurs employeurs agriculteurs : marginalisation, absence de sécurité sociale et précarité tels sont les constats alarmants dévoilés par l’étude « La femme travaillant dans le secteur agricole à Sidi Bouzid : entre le droit et la violation », réalisée par l’Association tunisienne de l’action culturelle. Cette étude sur terrain a été menée de décembre 2015 à janvier 2016 sur un échantillon de 996 femmes. Retour sur des chiffres qui dérangent…
L’étude a démontré que le travail agricole dans le gouvernorat de Sidi Bouzid se fait loin des bureaux de l’emploi. En effet, toutes les femmes interrogées ont affirmé qu’elles ont décroché leur emploi grâce à leurs connaissances.
Sur les 996 femmes interrogées, une seule femme a affirmé qu’elle travaille avec un contrat conforme aux normes légales. Et 16,5% des interrogées ont estimé qu’elles exercent un travail stable. Toutes les interrogées de la délégation de Regueb ont affirmé que leur travail est instable et précaire. Ainsi, il s’agit d’un travail saisonnier et précaire à la fois. D’ailleurs le travail saisonnier et occasionnel représente 72% et 17% est un travail accidentel. Souvent ce genre de travail ne garantit pas les droits socioéconomiques de la femme ni le SMAG.
Qu’en est-t-il des salaires et des primes ?
La législation du travail a fixé le salaire d’un jour de travail agricole à 13 dinars. Cependant, l’étude a dévoilé que les agriculteurs ne respectent pas le SMAG. 100% des femmes interrogées ont affirmé qu’elles perçoivent des salaires inférieurs au SMAG. Sans parler des heures supplémentaires qui ne sont pas rémunérées. De plus, 99.2% des femmes interrogées ont affirmé qu’elles perçoivent des salaires inférieurs à ceux de leurs collègues hommes, ce qui constitue une violation grave du principe de la parité. 99.5% des interrogées ont indiqué qu’elles ne perçoivent aucune incitation ou encouragement.
La situation économique peut se compliquer car les femmes ne reçoivent pas souvent leur rémunération directement de l’agriculteur-employeur ou de la part du propriétaire du terrain agricole. Souvent elles sont payées par un intermédiaire (le responsable de leur transport ou l’assistant de l’agriculteur), ce qui constitue une forme illégale de sous-traitance.
Et si on parlait de sécurité sociale ?
97,9% des femmes interrogées ont affirmé qu’elles ne bénéficient d’aucune forme de sécurité sociale. Sur 975 femmes interrogées, uniquement 20 femmes ont affirmé qu’elles bénéficient de la couverture sociale.
La santé et la sécurité professionnelle ne sont pas l’apanage de tout le monde
36.1% des ouvrières interrogées ont estimé qu’elles exercent un travail dangereux pour leur santé surtout avec l’utilisation des produits chimiques.
Ce taux connaît une nette augmentation dans les délégations de Menzel Bouzaiane (62,5) et Mezouna (59,7%) et une régression en ce qui concerne la délégation de Regueb (22,6%), Meknessi (43,9%). Les activités qui pourraient menacer la santé des ouvrières d’après l’étude sont les pesticides, le traitement chimique, le lever d’objets lourds pendant la cueillette, l’exposition au soleil en été et au froid en hiver.
Les fermes ne sont pas équipées de moyens de traitement ou de protection et les ouvrières se trouvent obligées de se soigner par leurs propres moyens. Uniquement 9 ouvrières ont affirmé avoir reçu des tenues adaptées à leur travail. Toutes les ouvrières ont affirmé que les lieux de travail ne disposent d’aucun moyen de premiers secours.
Manque de formation et main-d’œuvre non qualifiée.
L’étude a relevé que 68,8% des ouvrières interrogées ne sont pas qualifiées pour le travail agricole. 68,8% des ouvrières interrogées ont quitté les bancs de l’école et 99% des femmes interrogées ont affirmé qu’elles n’ont pas reçu de formation adéquate avant de commencer le travail. Cependant 48% des ouvrières ont affirmé qu’elles ont reçu une formation par le maître ou par les ouvrières expérimentées dans le travail agricole.
Violation du droit syndical
43,3% des ouvrières interrogées expriment leur souhait d’intégrer une organisation syndicale si le syndicat peut garantir la défense de leurs droits professionnels. L’étude a dévoilé que le manque d’enthousiasme pour le travail syndical est dû au manque de conscience de l’importance de l’action syndicale, à l’absence des structures syndicales sur les lieux de travail agricole, et de la peur du licenciement. Il est à noter que l’absence de structures syndicales dans le secteur agricole s’explique notamment par la nature saisonnière du travail.
Conditions de transport et qualité des relations professionnelles
Le transport vers le lieu du travail ne se passe pas sans souci. 58,6% des ouvrières utilisent un moyen de transport pour rejoindre le lieu du travail et 68% se déplacent par leurs propres moyens sans aucune prime de transport. Ce taux atteint 100% dans les délégations de Mezouna et Menzel Bouzaiane. Sans oublier que des véhicules non adaptés au transport sont souvent utilisés pour transporter les ouvrières
En outre l’étude a démontré que si 15% des ouvrières bénéficient d’un bon traitement de la part de leurs supérieurs, 237 ouvrières ont subi soit des violences verbales ou physiques soit une agression sexuelle sur le lieu du travail.