« En économie comme dans le monde des affaires, les femmes tunisiennes sont plus nombreuses à agir et à investir ». Tel est le thème de la manifestation organisée lors du coup d’envoi de la première Académie des femmes cheffes d’entreprise en Tunisie.
A cette occasion, la Chambre nationale des Femmes chefs d’entreprise ( CNFCE ) a lancé un débat sur « la relation de travail entre la flexibilité et la sécurité et pour des emplois décents », et ce, en partenariat avec l’Organisation internationale du Travail ( OIT ), jeudi 31 mars, au siège de l’Utica. Le débat a porté sur des thèmes tels que la relation du travail en Tunisie; comprendre le marché du travail; quels sont les besoins en matière de flexibilité et de sécurité ?
L’objectif du marché du travail est d’assurer la croissance économique ainsi que le développement de la flexibilité. Cependant il faut comprendre que le modèle de flexisécurité intègre le fait qu’une personne peut ne plus avoir d’emploi à vie dans la même entreprise. Cela signifie qu’elle peut changer d’entreprise et connaître aussi des périodes de chômage pendant lesquelles elle doit pouvoir recevoir des indemnités et des formations sur la base d’une recherche active de travail par la personne, a indiqué Eric Oechslin, Senior Specialist Employers Activities.
Il poursuit: “C’est un aspect culturel différent même entre les pays européens. En Europe du Nord, les systèmes de sécurité sociale sont forts et assurent en grande partie le coût de cette approche. Sans être au même niveau – la Tunisie ne peut pas pour le moment- la proposition d’assurance perte d’emploi lancée par l’UTICA va dans le sens d’un meilleur accompagnement de la personne ayant perdu un emploi.
Interrogé sur le type de modèle dont la Tunisie peut s’inspirer, il a répondu: « La Tunisie ne doit pas copier un modèle, mais elle peut s’inspirer de ce qui est fait (réussites comme les échecs) pour trouver une solution à elle. Il y a des facteurs propres à la Tunisie différents de l’Europe comme le contexte démographique et le nombre de jeunes arrivant sur le marché du travail.
Il explique: “La Tunisie pourrait analyser objectivement les obstacles à l’embauche et étudier les rigidités. Ensuite sur la base du dialogue social, elle peut développer des pistes pour améliorer la compétitivité et la productivité des entreprises tout en assurant une meilleure sécurité du revenu de l’employé. Comme indiqué, la mise en place d’une assurance perte d’emploi est un premier pas. Le BIT (Bureau international du travail) aide le gouvernement et les partenaires sociaux tunisiens à trouver une approche constructive et efficace pour une stratégie nationale pour l’emploi et pour réformer la protection sociale”.
Le concept de flexibilité a longtemps été utilisé dans le débat. Mansour Hellal, expert, indique pour sa part : “La pratique de toutes les formes de flexibilité dépend dans une large mesure du sens à donner au mot flexibilité qui ne signifie pas déréglementation mais plutôt assouplissement des règles pour les adapter aux attentes des entreprises y compris leur personnel. Il s’agit de la flexicurité”.
Qu’est-ce que la flexicurité?
Il s’agit de la recherche d’une conciliation entre la flexibilité de l’emploi tel qu’exigé par les mécanismes du marché et la sécurité des travailleurs telle que revendiquée par les syndicats. Le législateur tunisien a utilisé deux techniques de jeu par rapport au modèle de l’emploi type ou décent.
A quoi reconnaît-on un travail décent ? Selon l’OIT, il devrait répondre à quatre éléments parmi lesquels figure: l’emploi productif et librement choisi, avec un revenu qui puisse couvrir les besoins de la famille, mais aussi qui respecte les droits fondamentaux du travailleur, à savoir le droit d’organisation, l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, entre autres…
Sur un autre volet, le taux de chômage chez la femme
“Le taux de chômage chez les femmes est le double de celui de l’homme. D’autant plus qu’on retrouve plus de 40% de taux de chômage chez les femmes diplômées”, a fait savoir Mohamed Ali Deyahi, directeur du bureau de l’OIT pour les pays du Maghreb. Selon lui : “Il y a des situations préoccupantes qui conduisent à la déstabilisation, à l’insécurité, au dysfonctionnement économique et social et au terrorisme”.
Il indique: “C’est pourquoi, il est temps d’agir vite pour renverser cette tendance. Je pense que l’initiative de l’Académie est une excellente démarche pour améliorer l’autonomie de la Femme tunisienne. D’abord je suis optimiste parce que vous avez des femmes dynamiques. Et puis la Tunisie intéresse tous les pays notamment les bailleurs de fonds. Pour que les femmes soient autonomes, il faut améliorer leurs conditions, tant qu’on est dépendant d’un père, d’un mari, d’une société, on reste toujours précaire. Plus la femme renforce son autonomie financière, plus elle sera capable de prendre des décisions. Je pense que les ingrédients nécessaires existent pour réussir.”
Élaboration d’un pacte pour l’emploi, plus de transparence dans le fonctionnement du marché du travail, promouvoir le recours au travail à temps partiel, réglementation de l’entreprise de travail temporaire et le statut de l’intérim, flexibilité géographique comme la mobilité territoriale sont des recommandations qui ont été proposées par Mansour Hellal.
Comment définir le droit du travail? Comment examiner ces éléments du concept de flexicurité? Comment conjuguer flexibilité du marché du travail et sécurité des travailleurs? Sont autant de questions auxquelles le débat, qui ne fait que commencer, devra fournir une réponse.