« Jours tranquilles à Tunis » ne manque pas de nous surprendre. La construction du livre est à la fois linéaire mais suit aussi l’ordre chronologique du quotidien portant sur l’actualité du moment (assassinats, procès, élections ….).
Un livre qui raconte une alternance des faits qu’ils soient des sujets légers ou des événements tragiques. Rencontrée à la Foire du livre, au stand de l’Institut français de Tunisie, Stéphanie Wenger, auteure et journaliste, nous fait découvrir une cinquantaine de chroniques, entre les petits faits et les grands faits de ce qui s’est passé durant les trois dernières années (2012-2015) : Interview.
Comment l’idée d’écrire ce livre vous est-elle venue?
Je l’ai écrit au quotidien mais de façon assez régulière. C’est vrai qu’on a l’impression qu’on passe d’un événement à un autre, un événement tragique et puis vers quelque chose de plus léger. J’avais envie que ce soit le plus juste possible. Je pense que c’est toujours difficile de parler d’objectivité et de vérité parce qu’on écrit toujours de quelque part. Souvent même on essaie de faire abstraction, on parle aussi de sa propre histoire de son propre vécu finalement. Et J’avais envie que ce soit le plus juste possible.
Quel est l’événement qui vous a marqué le plus ?
Ce qui m’a marqué le plus, c’est le jour de l’assassinat de Chokri Belaïd parce que voilà c’est quelque chose qui a frappé les Tunisiens. J’avais ressenti énormément de choses ce jour-là, pas du tout comme un Tunisien, parce que je ne suis pas Tunisienne et pourtant j’ai senti la force de leur sentiment ce jour là, à la fois l’horreur de ce qui est arrivé et finalement après la résistance et la réaction qui a été pour moi, sachant aussi que je n’ai pas vécu la révolution, parce que je suis arrivée en 2012. Pour moi, c’était l’un des moments où il y a eu vraiment une manifestation spontanée, c’est à dire les Tunisiens se sont rendus l’après-midi à l’avenue Bourguiba, des gens de partout, aussi bien des militants de gauche, qu’une militante du Hezb ettahrir, un parti qui ne croit pas aux élections, et pourtant elle était là pour manifester contre l’assassinat de Chokri Belaïd. Je pense que ce moment m’a énormément marquée.
Dans vos chroniques, vous avez parlé de gastronomie tunisienne ?
Très importante. J’aime beaucoup manger. J’aime beaucoup découvrir un pays à travers sa cuisine. Je trouve que ça raconte beaucoup de choses sur le pays, quand on vit dans un pays qui entretient en plus un rapport assez sensuel c’est à dire où tous les sens sont impliqués, non seulement la vue ; en tant que journaliste on relate ce qu’on voit et ce qu’on entend. Il y a aussi les odeurs et le goût, sauf à être journaliste culinaire, gastronomique on n’en parle pas dans nos articles. Par contre, cela fait vraiment partie de ma vie ici. Je trouve aussi qu’autour de la cuisine, on découvre une culture, des comportements, une façon de raconter la société et de la percevoir, et une façon intime, puisqu’on mange tunisien, chez les Tunisiens. On était au milieu de Ramadan, c’était au milieu de la journée, la plupart des Tunisiens jeûnent, je vais chez mon épicier de mon quartier et là il me dit il faut vraiment que vous goûtiez les boulettes de viande “bnadek”. Je ne vais pas goûter ces boulettes maintenant alors que tout le monde jeûne »….Il me rétorque : « Je ne veux rien savoir tu goûtes. Je trouve que le rapport avec la cuisine ça raconte beaucoup de choses ».
Vous avez vécu dans plusieurs pays Alep, Le Caire, la Tunisie, aujourd’hui c’est le Maroc? Quel regard portez-vous sur toutes ces destinations ?
Je pense qu’on est forcément conditionné par une des destinations quand on arrive dans une autre ville, mais après il faut savoir s’affranchir. Et là on m’a posé la question quelle ville préférez-vous ? Ce sont des villes extrêmement différentes mais la particularité est que chaque fois j’en quittais une, j’étais persuadée que je n’allais pas pouvoir en aimer une autre mais à chaque fois je me suis trompée. Je viens d’arriver il y a quelques mois au Maroc, mais l’alchimie commence à prendre.
Quelle impression gardez-vous de la société tunisienne durant les trois dernières années?
Même au coeur à des moments terribles et graves, on rit souvent en Tunisie. C’est le sens de l’humour du Tunisien et sa capacité de rire de soi-même et à ne pas se prendre au sérieux. Je dirais du coup un des traits de caractère des Tunisiens que j’ai le plus appréciés et qui a aidé aussi pendant cette période.