C’est le monde à l’envers, au lieu d’être salué pour avoir découvert un traitement efficace contre la leishmaniose cutanée, une maladie répandue dans le monde, l’Institut Pasteur de Tunis fait l’objet, depuis peu, d’une campagne de dénigrement et d’accusations aussi étranges que dangereuses.
L’Institut pasteur a, en effet, été accusé d’être impliqué dans des expériences menées sur des enfants tunisiens, avec la collaboration du Pentagone et une société israélienne, moyennant la somme de 50 dinars pour chaque enfant. Une histoire digne d’un scénario hollywoodien, imprégnée de conspirationnisme et d’allégations mensongères, qui portent gravement atteinte à l’image des scientifiques tunisiens, et à leur crédibilité reconnue sur le plan mondial.
A cet effet, Pr. Hechmi Louzir, directeur de l’Institut Pasteur de Tunis, s’est exprimé afin de lever toutes les ambiguïtés qui tournent autour de cette affaire.
Il explique qu’en Tunisie, la leishmaniose cutanée constitue un problème de santé publique majeur, avec plusieurs milliers de cas déclarés par an (environ 3000 cas) , touchant essentiellement les enfants, dans le centre et le sud de la Tunisie.
Bien qu’elle soit généralement bénigne, la leishmaniose cutanée est marquée par la persistance de cicatrices indélébiles et donc très inesthétiques, entraînant un préjudice social et psychique, surtout chez les femmes et les enfants. Son traitement classique est contraignant car il repose sur des injections et expose, parfois, à des effets secondaires et un risque de toxicité non négligeables.
Malgré sa fréquence, cette maladie n’est pas l’objet d’un grand intérêt de la part de l’industrie pharmaceutique, vu le profil des personnes atteintes par cette maladie : personnes vivant dans des pays en voie de développement, et dans une grande majorité socialement et économiquement défavorisées. C’est donc tout naturellement que l’Institut Pasteur de Tunis, mondialement reconnu pour son expertise dans le domaine des leishmanioses, s’est penché sur la question d’une alternative thérapeutique, ayant moins d’effets secondaires et accessible aux patients.
Le nouveau traitement local, conçu par les chercheurs tunisiens, présente l’avantage de ne pas laisser des cicatrices inesthétiques sur la peau et l’absence de rechute. Une découverte qui a valu à l’équipe de recherche une publication dans la revue le New England Journal of Medicine.
Si ce traitement conçu par le centre de recherche tunisien était susceptible de porter atteinte à la santé des patients, l’étude aurait-elle été publiée dans une revue aussi prestigieuse dans le domaine de la médecine?
Pour le développement du médicament en question, il était nécessaire de passer par un certain nombre d’étapes dont celle des essais cliniques. Celle-ci évalue, de manière générale, l’efficacité et la tolérance d’une méthode diagnostique ou d’un traitement. Un concept qui ne date pas d’hier, compte tenu du fait qu’il fut introduit par le philosophe et médecin musulman Ibn Sina, il y a près de mille ans.
Afin d’améliorer l’efficacité du traitement en question, l’Institut Pasteur de Tunis s’est associé à l’Institut de recherche militaire américain Walter Reed, qui menait à l’époque des recherches similaires, devenant de ce fait un partenaire de recherche et financier de l’étude. Rappelons que ce dernier, pointé du doigt par nos médias, a donné au monde de la médecine sept Prix Nobel, jusqu’à nos jours.
L’étude a par la suite nécessité la réalisation de lots de médicaments en plus grande quantité. L’Institut américain de recherche ayant fait un appel d’offres, la fabrication du lot de médicaments est revenue à un laboratoire israélien qui s’impose indéniablement parmi les plus grands laboratoires pharmaceutiques au monde.
Le directeur de l’Institut Pasteur rappelle que les essais cliniques ont été menés sous la supervision de l’Organisation mondiale de la Santé, et surtout avec l’aval du ministère de la Santé tunisien.
De même que pour appuyer ses propos, Pr. Hechmi Louzir a présenté deux rapports prouvant que l’Institut Pasteur de Tunis s’est plié à toutes les normes d’éthique qui dictent le bon déroulement de cette étude et qu’au cours de cet essai clinique la législation tunisienne a bien été respectée.
Une éminente juriste et membre du comité national d’éthique médicale s’est en effet prononcée sur cette question affirmant qu’:« … Il est indiscutable à notre avis qu’au point de vue juridique et éthique, les essais du WR279396 (code donné au médicament en question en cours d’essai) sont conformes aux dispositions et à l’esprit des textes tunisiens. »
D’autres experts ont abondé dans le même sens en confirmant la pertinence de l’essai clinique et l’impact positif de ce traitement et ont conclu dans leur rapport que : « Ces produits dans leur nouvelle formulation étaient depuis longtemps attendus par tous les médecins et les dermatologues tunisiens voire maghrébins et du Moyen-Orient. Leur utilisation ne présente aucun risque et leur coût permet de les généraliser dans les différentes structures sanitaires. Les démarches aussi bien scientifiques que réglementaires sont conformes, chacune dans son domaine, aux dispositions en vigueur. Elles ne comprennent pas de dépassement et elles ont été mises en application avec un grand souci de rigueur, de transparence et d’objectivité, avec à chaque étape un souci unique et majeur: la santé du citoyen. »
Cette campagne calomnieuse, reprise par bon nombre de médias, qui reflète une profonde méconnaissance du domaine scientifique, vise-t-elle à stigmatiser les compétences tunisiennes, et de ce fait, vider le pays de sa matière grise?