L’épargne retraite, l’épargne assurance-vie et l’épargne longue attirent les compagnies d’assurance. Lors d’une interview exclusive accordée à notre magazine l’Economiste Maghrébin, Lassâad Zarrouk, président de la STAR et de la Fédération tunisienne des sociétés d’assurance, expose son point de vue.
l’Economiste Maghrébin : Quel rôle pourrait jouer la Star dans le développement de ces produits?
Lassâad Zarrouk : Il faut être conscient que cela nécessite une vraie prise de responsabilité de tous les acteurs, aussi bien le secteur privé que les autorités publiques, pour développer l’épargne retraite, l’épargne assurance-vie, l’épargne longue d’une manière générale, pour passer du système de la répartition au système de capitalisation. Pour ce faire, il y a tout un cadre réglementaire à modifier, des incitations à mettre en place, des régimes de retraite à revoir structurellement.
Vous le dites en connaissance de cause puisque vous étiez aux responsabilités à la sécurité sociale!
J’étais directeur général de la Sécurité sociale et j’ai participé à la préparation de deux réformes concernant l’assurance-maladie et la retraite. Je suis aussi économiste et tous les économistes qui ont travaillé sur les plus grandes motivations de l’épargne savent qu’il n’y a pas meilleure motivation pour l’épargne que la retraite.
En Tunisie, actuellement, on a un taux d’épargne très faible, bien que les situations d’instabilité soient propices à l’expansion de ce qu’on appelle l’épargne de précaution. Ce genre d’épargne ne s’est malheureusement pas développé en Tunisie, malgré les instabilités post-révolutionnaires, parce que les gens ne sont pas assez sensibilisés à ce genre de précaution.
Le déclenchement d’une dynamique pour augmenter le taux d’épargne et, in fine, doper le taux d’investissement, passe donc, qu’on le veuille ou non, par l’instauration d’un nouveau cadre de retraite complémentaire qui sera géré par le secteur des assurances et qui soutiendra les régimes légaux de retraite pour permettre au Tunisien d’avoir une retraite décente. Cette démarche nous permettra de développer une masse financière assez importante d’épargne longue ; elle nous permettra aussi une plus grande marge d’action, sur le long terme.
Ne pensez-vous pas qu’il faille accompagner la retraite complémentaire d’une révision de l’âge de départ à la retraite ou d’une augmentation des cotisations?
Le régime des retraites est un grand débat qui doit être lancé et auquel toutes les parties prenantes doivent participer pour pouvoir trouver un consensus sur la question. Il y a aussi la question des charges sociales des entreprises qui pèsent aujourd’hui lourdement sur le tissu économique, bloquant à la fois les perspectives d’investissement, de croissance et d’emploi.
L’âge de la retraite, qui a été fixé durant les années 60, quand pratiquement l’espérance de vie des Tunisiens après l’âge de 60 ans était presque nulle, doit être revu. Les régimes de retraite comptabilisent, en fait, l’espérance de vie à partir de l’âge de départ à la retraite. De nos jours, l’espérance de vie du Tunisien, après l’âge de la retraite, dépasse les 20 ans.
J’ai toujours dit qu’on ne va pas réinventer la roue et que chaque solution a ses avantages et ses inconvénients. Je suis personnellement pour une réforme à visage humain, qui tienne compte des moyens du pays et de la nécessité de soutenir nos régimes de retraite, pour garder le principe de solidarité intra-générationnelle et intergénérationnelle.
Réformer le régime de la retraite revient aussi à permettre à l’entreprise de disposer d’une épargne salariale capable de doper ses plans d’investissement, d’intéresser et de fidéliser beaucoup plus son personnel. Il suffit de s’accorder sur la bonne réforme à adopter, à travers un débat qui ose briser certains tabous et contraintes.
Retrouverez la suite de l’interview sur les colonnes du magazine l’Economiste Maghrébin n°681 du 23 mars au 6 avril 2016.