L’avenir des régimes de retraite, une crise qui n’en finit pas, est aujourd’hui de nouveau au cœur du débat ? Que faut-il faire? Inciter les salariés à travailler jusqu’à 62 ans? Serait-ce une solution efficace pour compenser le déficit budgétaire des caisses sociales? Les retraités verront-ils fondre leur pension?
Ce sont des questions essentielles pour connaître les dessous d’un projet autour duquel le débat ne fait que commencer. Les avis sont partagés aussi bien du côté des syndicalistes, que des députés de l’ARP.
Travailler plus longtemps, une solution efficace?
Souhail Alouini, député du bloc parlementaire El Horra, déclare, quant à lui: « Aujourd’hui, le débat reste ouvert au niveau de la commission des Affaires sociales, parce que les avis divergent. Certains optent en faveur d’un départ à la retraite à l’âge de 62 ans, alors que d’autres proposent que cette démarche soit initiée volontairement par la personne concernée. « Selon lui, rien n’est encore clair. « Ce n’est qu’à travers les discussions et les débats qu’on pourra prendre une décision », souligne-t-il.
Il ajoute: « Cela dit, pour l’instant ce ne sont que des idées et des propositions. Pour être plus précis, il s’agit d’une initiative du ministère des Affaires sociales suite à une étude réalisée au sein du ministère qui a confirmé que les caisses sociales étaient déficitaires. Et pour combler ce déficit, la solution d’urgence proposée est un âge de départ à la retraite à 62 ans, au lieu des 60 ans actuels. »
Mais où réside le problème? « Ce sont les jeunes qui seront impactés par cette démarche », a-t-il répondu. Et de poursuivre: « Cette question va diviser l’opinion. En ce moment nous avons 620 mille chômeurs, dont 240 mille jeunes diplômés. Quel serait leur sort si on ne recrute pas les jeunes et qu’on garde les personnes âgées en activité. Je trouve que ce sont des solutions temporaires et qu’il est temps de penser à de grandes réformes. »
L’avenir du système actuel de retraite reste pour l’instant incertain. Beaucoup de questions demeurent sans réponse, en attendant de savoir quel texte de loi sera adopté à l’ARP.
En Tunisie, selon les dernières statistiques de l’INS de l’année 2014, pour une population de 10 982.800, on compte 11,7% de personnes âgées qui ont plus de 60 ans, contre 9,3% en 2004.
Joint par téléphone, Meriem Hassan, l’attachée de presse du ministère des Affaires sociales, déclare pour sa part que : « Opter pour l’âge de la retraite à 62 ans est un choix et non une obligation. Le projet de loi a été discuté en Conseil des ministres depuis le mois de juillet dernier, puis transmis à l’ARP, au cours duquel la commission de l’organisation de l’administration et des affaires des forces armées a étudié les propositions des députés. Une bonne partie d’entre eux sont en faveur du projet pour que le seuil de 62 ans soit une obligation. Mais il faudrait bien qu’on arrive à un consensus ».
Par ailleurs, Kamel Maddouri, directeur général de la sécurité sociale, considère que la situation est préoccupante. Il explique que le déficit de la CNRPS enregistré depuis 2005 s’élève à 32 millions de dinars, et qu’en 2015, il a atteint 431,3 millions de dinars.
Cependant ce qui est prévisible pour 2016 sera un déficit de 528,2 millions de dinars, souligne-t-il, en poursuivant: “Or si on n’adopte pas de mesure concernant l’allongement de l’âge de départ à la retraite, le déficit cumulé serait aux alentours 4.256 milliards pour le plan quinquennal 2016-2020”.
Mais la problématique de ce déficit touche au premier chef le régime des pensions de retraite, qui est, en l’occurrence, déficitaire car le capital que gère le CNRPS est plus ou moins excédentaire, c’est à dire que le déficit cumulé a atteint 765 millions de dinars ( 2104-2015).
Quelles sont les causes?
« Ceci est dû en partie aux mutations démographiques. Ce qu’on entend par là, l’indice synthétique de fécondité qui est passé dans les années 60, de 6 à 7 enfants, s’est réduit de nos jours de manière drastique à deux enfants. Un autre facteur déterminant est l’allongement de l’espérance de vie, qui d’après le rapport de l’INS, atteint 75 ans. Egalement le taux de travailleurs actifs qui financent les pensions de retraite s’est considérablement réduit passant de 7 actifs en 1976 à 2.39 actifs aujourd’hui », a-t-il explicité.
Les retraités en chiffres
Et de poursuivre : « En 2015, 17 mille travailleurs sont partis à la retraite. La fonction publique accusant un effectif pléthorique de 650 mille personnes, les fonctionnaires qui partiront à la retraite ne seront pas remplacés et il n’y aura donc pas de nouveaux recrutements. Il faut aussi comprendre que le nombre des pensionnés a augmenté de 5 % contre 2.5% depuis les dernières décennies.
En 2014, le nombre des retraités dans le secteur public s’élèvait à 671 mille 648 ( secteur privé CNSS) et 304 mille391 dans le secteur public ( les fonctionnaires d’Etat affiliés à la CNRPS).
Il faut savoir que notre système est un système de répartition. D’ailleurs, le contrat social signé entre le gouvernement et les syndicats prévoit la préservation et la consolidation du système de répartition. La réforme doit être le plus équitable possible. Les charges devront être supportées équitablement entre les différentes catégories et différentes générations. Vous savez, chaque jour de retard dans la réforme par rapport à la CNRPS nous coûte 1 million de dinars. D’où il y a urgence à mettre en pratique une réforme à ce sujet et c’est à l’ARP d’adopter un texte de loi pour dire où nous en sommes, quant au choix facultatif de l’allongement de la retraite, à savoir 62 ans ou 65 ans ».