‘‘Je persiste à croire que le problème, aujourd’hui, c’est que l’on ne peut plus penser. Il est interdit de penser’’ (Entretien Michel Onfray, « L’incompris », Le Figaro, 14 mars 2016). Vivons-nous une ère d’occultation de la pensée et du débat, donc de contre-culture, dans le cadre de la mondialisation ?
La société technologique, le wifi et les réseaux sociaux privilégient la communication unilatérale et favorisent la soumission à la pensée commune, aux dépens des réactions personnelles, de l’identification, soit même des enjeux et de la promotion, en conséquence, de la réflexion. Le politiquement correct anesthésie la pensée.
Dans l’aire arabe, une contre-culture spécifique s’annonce et se développe. Une minorité agissante engage une bataille idéologique et culturelle, prônant un retour à un passé mythique. Nostalgie et archaïsme définissent un nouvel idéal type, ignorant les nécessités des temps nouveaux, réactualisant le passéisme et fermant les horizons. Des pseudo-oulémas venus d’Orient et pris volontiers pour modèles ont tenté d’imposer une façon de pensée et ses règles de vie.
N’oublions pas les attaques contre les intellectuels, la culpabilisation des artistes, le sabotage des pièces de théâtre, pendant les premières années du « printemps tunisien ». Un système hors de contrôle des pouvoirs publics aurait tenté de diffuser une contre-culture pseudo identitaire.
Le pire était à craindre. La « soft revolution »tunisienne, corrigeant les dérives de ces velléitaires, a permis un retour aux normes. La restauration de la praxis zeitounienne a assuré la promotion du discours éclairé, dans les lieux du culte, condamnant les « nuisances », à quelques exceptions près.
La menace n’est pas seulement jihadiste. Elle s’exprime aussi par plusieurs voies plus insidieuses…
Ne sous-estimons pas le péril. La menace n’est pas seulement jihadiste. Elle s’exprime aussi par plusieurs voies plus insidieuses. Un double jeu est engagé sous couvert d’un projet éducatif. La restauration des kouttabs a permis d’offrir des structures d’accueil préscolaires. L’enseignement du Coran et l’éducation musulmane sont justifiés. D’ailleurs, les programmes de l’enseignement public tunisien les intègrent. Cependant, certaines structures préscolaires privées transgressent les programmes officiels. Ils proposeraient une formation spécifique des nouvelles générations, en faveur d’une rupture avec l’idéal type républicain, ratifié par la Constitution. Qu’on y prenne garde.
L’éducation est un enjeu prioritaire. A tous les niveaux, primaire, secondaire, supérieur, elle devrait favoriser la réflexion, instituer le débat et définir la raison d’être, par la mise à l’ordre du jour de la pensée libre, ce gage de la vraie démocratie. Au secondaire, la promotion de l’enseignement de la philosophie et des écoles de pensée devrait être prioritaire.
De son côté, le ministère de la Culture devrait restaurer les institutions de dialogue et de débats tels que les ciné-clubs et les structures similaires, pour assurer la discussion de la production théâtrale, musicale et artistique. Ne faudrait-il pas d’ailleurs intégrer dans un grand ministère de la Culture, l’éducation et la jeunesse ?