Le travail est-il toujours une valeur fondamentale? Après la révolution, quelle évolution a connu la qualité du travail dans les secteurs public et privé ? Est-ce que la productivité a baissé ou a-t-elle augmenté?
C’est en partie le thème du débat organisé hier par Sigma Conseil en collaboration avec la fondation Konrad Adenauer Stiftung, dans une nouvelle édition des rencontres de Tunis, ayant pour thème “ la place de la valeur travail et l’initiative économique en Tunisie”. D’après l’enquête Sigma-KAS, il apparaît que les travailleurs n’ont pas la même perception quant à la place de la valeur travail après la révolution. En effet, ils sont 44% des sondés à considérer que cette place est devenue moins importante, contre 23% qui estiment qu’elle n’a pas changé.
Qu’en est-il de la productivité au travail, cinq ans après?
L’enquête Sigma Conseil réalisée sur un échantillon représentatif de 1000 Tunisiens, a montré cinq ans après la révolution que la productivité au travail a baissé, de même les conditions et la qualité du travail ont régressé, affirme Hassen Zargouni, directeur général de Sigma conseil.
Il explique: “Ceci est forcément préjudiciable pour la compétitivité de l’entreprise tunisienne et sa capacité à résister par rapport à la concurrence internationale parce que sans compétitivité, il n’y a pas de création d’emplois, voilà la situation où nous nous trouvons”.
“Il faut instaurer un dialogue sincère, permanent au sein des entreprises qui brise la glace entre d’un côté les patrons, qui pensent du mal des travailleurs qui ne viennent que pour gagner de l’argent et n’ont pas forcément l’idée du travail comme une valeur en soi, mais aussi comme un instrument de libération et d’épanouissement. D’un autre côté, il y a les travailleurs qui pensent que le patron les exploite. Il s’agit d’une relation assez conflictuelle, de méconnaissance de l’un vis-à-vis de l’autre. C’est la raison pour laquelle il faut que le dialogue s’installe d’une manière pérenne et sereine sans surenchère”.
Il poursuit : “Aujourd’hui, il faut créer des échanges de communication au sein de l’entreprise, ce qui sera bénéfique pour l’entreprise car elle gagnera en termes de productivité, de compétitivité, et à partir de là, toute l’économie sera gagnante”.
Quelles seraient les solutions ?
Selon M. Zargouni, il n’y a pas de baguette magique, c’est tout un processus, en poursuivant: “A titre d’exemple, instaurer un dialogue permanent est fondamental, à mon sens. Maintenant ce qui est important c’est de valoriser le travail dans les deux sens : le travailleur doit prendre conscience que le travail est une valeur en soi et non pas aller à son poste de travail pour avoir droit à son salaire. Le salaire se mérite. D’un autre côté, l’employeur doit donner tous les gages de meilleures conditions de travail pour que ses employés soient fiers et tiennent à leur entreprise. Au fond, la pérennité de l’entreprise, c’est d’ y travailler dans les meilleures conditions ».
Sur un autre volet, celui de l’allongement de l’âge de départ à la retraite a fait l’objet de débat : selon l’enquête, 72% des sondés ne sont pas d’accord, dont 64% ne sont pas du tout d’accord, contre seulement 16% des interviewés qui sont en faveur du rallongement de l’âge de la retraite.
Comment expliquer ces avis si divergents ?
Il a répondu : “ De telles réponses sont en partie dues aux jeunes. Ils ne savent pas quels sont les enjeux ni le déficit des caisses sociales. Mais ils se positionnent par rapport à eux-mêmes, c’est pour cela que ces jeunes n’ont pas cette conscience de ce qui se passe réellement”.
Présente lors du débat, Khaoula Khedimy Boussama, présidente & CEO Programme Enactus Tunisie au CJD, souligne que le bilan quant à la place de la valeur travail est très négatif. Elle explique: “ Le 14 janvier, on entendait les slogans suivants : Travail, liberté et dignité, et la dignité ne se fait qu’à travers le travail de chacun. Aujourd’hui ces slogans du 14 janvier, on ne les voit plus. Or nos entreprises souffrent, nous avons un concurrent de première place qui est le Maroc, toutes les entreprises internationales s’implantent au Maroc, alors qu’à un moment donné la Tunisie était le quartier général de presque toutes les multinationales ».
Elle conclut: “Les jeunes, aujourd’hui, ont un problème de culture qui n’est pas orientée entreprise. C’est une culture d’ assistanat liée à la famille et au système éducatif. Or le salut de ce pays repose sur la réforme du système éducatif du primaire jusqu’à l’Université”.
Travailler, c’est exister, combien sont-ils à le penser ? Pour nombre d’entre eux, les attitudes individuelles et collectives vis-à-vis du travail diffèrent au cours du temps.