Cela peut paraître illogique, mais l’inégalité entre la femme et l’homme dans le milieu du travail existe encore. Comment agir contre l’exclusion professionnelle à l’égard des femmes ?
C’est dans le cadre du projet cofinancé par l’Union européenne pour “Promotion de l’égalité professionnelle Femmes/Hommes en Tunisie”, la Fondation Agir contre l’exclusion (Face à Face Tunisie), en partenariat avec l’AFROCHE, le projet BRCP et la plateforme Tounes Ta3mal de Microsoft Tunisie a organisé une manifestation rehaussée par la présence d’ un grand nombre de personnalités politiques, de la société civile, des jeunes étudiantes à la recherche d’un emploi.
Présent lors du débat, Youssef Fennira, directeur du Centre d’orientation et de reconversion professionnelle de l’AHK, a mis l’accent sur l’égalité entre l’homme et la femme au niveau de l’emploi. Pour lui, promouvoir les compétences de la femme, c’est lui donner des chances supplémentaires sur le marché de l’emploi. Cela va également dans le sens de l’égalité prônée H/F.
Il explique : “Pourtant on constate qu’il y a une inégalité, malgré tout, chose qui n’est pas normale. C’est pourquoi notre centre a toujours promu la compétence dans tout ce qu’on fait, et ce, depuis sa création en 2011, pour donner un plus à la femme. D’ailleurs les personnes reconverties et placées sont à hauteur de 65% des femmes. Pourquoi?
Il répond : « Il y a des explications sociologiques, dans la société tunisienne parmi lesquelles, l’homme est dorloté quand il est jeune, parce qu’il est le fils à papa ou à maman, et inconsciemment la femme va développer un petit sentiment de rébellion, et là elle va chercher quelque chose à prouver. Et cette petite rébellion lui servira beaucoup dans l’avenir, pour la simple et bonne raison qu’elle va beaucoup se battre dans ses études, et elle veut être la première avant l’homme parce et gagner sa place sur le marché de l’emploi”.
M. Fennira est arrivé à la conclusion que les femmes sont plus promptes à accéder au marché de l’emploi, à répondre aux besoins de l’entreprise que les hommes.
Par ailleurs, Samira Meraï Friaa, ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, a fait savoir que le taux d’activité économique des femmes est très faible par rapport à la moyenne mondiale, qui s’élève à 28%.
Elle ajoute : “On se doit en tant que société civile, gouvernement, à promouvoir l’égalité en matière de participation économique des femmes. D’abord par la politique publique. C’est pour cela au sein du ministère nous avons un programme qui vise 50 entreprises féminines dans chaque gouvernorat. Notre objectif est de diminuer le secteur informel, vers une économie sociale et solidaire. D’un autre côté le ministère de la Femme, avec l’appui du gouvernement, a créé une ligne de crédits pour les femmes sans taux intérêt, depuis cette année, en collaboration avec le réseau Entreprendre. Cela reste aujourd’hui la motivation et l’encouragement, et là nous les remarquons auprès de ces jeunes femmes qui veulent oser et prennent des risques pour changer leur situation”.
Elles étaient plusieurs chefs d’entreprise, responsables d’ONGs à témoigner de leur expérience comme Amal Mankai, directrice de projet à l’USAID Contractor.
Selon elle, l’entrepreneuriat féminin est l’un des piliers pour la croissance économique du pays. Elle indique: “Quand on parle de l’entrepreneuriat on parle d’une porte de secours pour régler les problèmes du chômage et relancer l’économie tunisienne. Les femmes ont les capacités et la fibre entrepreneuriale et si elles sont soutenues, elles sont capables de créer leurs propres entreprises.
Rencontrée lors du débat, une jeune fille étudiante diplômée en physique-chimie est venue tenter sa chance. Elle s’appelle Hajer, elle habite Tunis et elle est au chômage depuis 4 ans. Elle nous confie ses difficultés: “Cela fait un bon moment que je suis en quête d’emploi. J’ai fait des petits boulots qui ne sont pas pour autant ma spécialité. J’ai travaillé comme contrôleur de qualité dans une société d’agriculture, j’ai enseigné un cours de physique dans un lycée privé. Mais en venant ici, j’espère décrocher un emploi sta ble”, sourit-elle avec une lueur d’espoir.
Quant à Fayza Kefi, experte Face à FaceTunisie, juriste et ancienne ambassadrice de Tunisie en France, pour elle, le meilleur moyen de promouvoir l’égalité des chances, c’est d’abord d’opérer une entrée très forte dans le milieu professionnel pour bien comprendre comment les choses sont perçues, comment faire le pas vers l’entreprise.
Elle explique : “Bien que le nom Face à Face soit un tout petit peu provocateur, j’aurais opté pour « côte à côte », c’est à dire travailler ensemble au niveau des instances de l’entreprise pour que les attitudes, le comportement, la culture de l’égalité s’installent. Si on a réussi ce challenge, on peut dire qu’on aura facilité la consécration du principe de l’égalité des chances de l’entreprise”.
Que faut-il faire ?
A cette interrogation, elle a mentionné qu’il faudrait établir une stratégie comme celle adoptée par notre association. Pour faire face aux obstacles, il faudrait toucher tous les départements de ressources humaines des entreprises et former ces responsables qui recrutent, qui promeuvent, le département clé de l’entreprise. Ensuite diffuser, informer faire comprendre pourquoi on veut atteindre l’égalité des chances parce d’abord c’est un droit, parce que l’entreprise y a un intérêt .
Elle ajoute: « Plus vous donnez la place qui est la sienne à la femme, plus vous aurez des retombées immédiates au niveau des résultats de l’entreprise. Donnons plus de chances à travers les entreprises aux femmes pour qu’elles s’épanouissent ».
Qu’en est-il sur le plan politique?
Elle conclut : “Il y a quand même un changement extraordinaire comme vous le savez dans tous les partis politiques, il y a une préoccupation, pour donner une place aux femmes. On leur donne une place, mais on hésite à lui faire jouer un rôle important et parce que les mentalités sont encore là, les hommes ont du mal à céder leur place, ils pensent que les femmes sont de vraies concurrentes. Ils ne voient pas l’intérêt de pousser les femmes en première ligne, c’est un peu l’autodéfense, l’instinct de protection qui fait que les hommes resserrent leurs rangs chaque fois qu’il s’agit de l’intérêt de l’action politique comme à être compris, j’espère que ça changera dans le bon sens, l’important n’est pas que les femmes soient dans les partis, mais qu’elles soient agissantes est qu’on leur donne du pouvoir. Mon message aux femmes : “N’hésitez pas à prendre le pouvoir”.