Je ne sais que deux manières de faire régner l’égalité dans le monde politique : il faut donner des droits à chaque citoyen, ou n’en donner à personne (Alexis de Tocqueville, Le despotisme démocratique)
Alors qu’à l’instar du scandale Wikileaks, la bombe Panama Papers commence à produire ses effets ravageurs dans nos murs, je crains fort que ce ne soit bien reparti pour une agitation à grande échelle.
La grogne sociale est de retour et annonce des jours encore plus difficiles pour le gouvernement Essid. A commencer d’abord par la crise liée à la société britannique d’exploitation pétrolière et gazière Petrofac, qui n’en finit pas de provoquer des réactions et des contre-réactions, aussi intempestives les unes que les autres.
Tous les corps de métier sont en ébullition et tapent du poing sur la table. Même les retraités qui, comme le reste de leurs concitoyens, assistent impuissants à la détérioration de leur pouvoir d’achat et de leur niveau de vie, menacent de descendre dans la rue pour défendre des droits acquis que le ministre nidaiste des Affaires sociales Mahmoud Ben Romdhane veut bafouer, en proposant une révision à la baisse du montant de leurs pensions pour renflouer des caisses de retraite quasiment en pré-faillite. Mais quelle mouche a donc piqué le ministre pour qu’il se hasarde à s’aventurer sur un terrain aussi sensible, pour ensuite faire machine arrière ?
De leur côté, ceux qui ont juré fidélité au sermon d’Hippocrate refusent un contrôle fiscal sur ordonnance, donnant une piètre image de leur corporation. Les professeurs brandissent de nouveau l’arme de la grève pour faire entendre leur voix, et accusent un ministre de l’Education plus populaire que jamais, de manquer à sa parole. Les magistrats décident, eux, de partir en croisade contre une version du Conseil supérieur de la magistrature jugée anticonstitutionnelle et menacent de faire monter la pression.
La puissante UGTT, quant à elle, mobilise ses troupes et montre les dents comme pour signifier que c’est bien elle qui sifflera la fin de la partie. Et pour boucler le tout, les passes d’armes verbales n’en finissent pas, elles aussi, de pervertir le paysage politique et de prolonger la situation de non-droit dans laquelle est plongé le pays.
Bref, en un mot comme en mille, tout le monde louvoie et conspire comme il respire, et ce sont les citoyens qui se sentent floués. Au train où vont les choses, c’est à se demander s’il ne va pas falloir implorer la providence pour que tout le monde se calme et reprenne ses esprits. Après tout, demander à Dieu d’intervenir pour régler pacifiquement tous les différends, n’est pas une si mauvaise chose en ces temps où tout le monde se réclame du Très-Haut, même pour passer à la moulinette des figures illustres qui ont beaucoup donné à ce pays.
Aujourd’hui comme hier, on prend pour cible Bourguiba, à qui le tour demain ? Quand on sait que le reniement peut aller très loin, et on l’a bien vu au lendemain de la révolution avec des courants ultra radicaux qui ont voulu gommer des pans entiers de notre histoire, on est en droit d’être inquiets.
Sans vraie volonté de s’en sortir, il est certain qu’on va continuer de naviguer à vue, alors que ce ne sont pas les idées qui manquent ! Fort heureusement, il est encore possible de rêver d’une suffisance digne, dans un pays où il ferait bon vivre, et je pense que ce rêve est à portée de main.