Soutenir la solution politique en Libye doit être le choix stratégique de la Tunisie pour traiter le dossier libyen.
Tel est l’une des conclusions de la dernière étude publiée récemment, dont leconomistemaghrebin.com a pu obtenir un exemplaire. Menée par le Think Tank Joussour, l’étude est intitulée « Pour une transition dans la gestion du dossier libyen » .
Élaboré sous la direction du chercheur Chokri Bahria, l’étude affirme qu’il n’est possible de concevoir une relation entre la Tunisie et sa voisine la Libye que dans un seul cas : la création d’un Etat libyen fort et unifié : « Cela est capable de préserver nos intérêts économiques, sociaux et en matière de lutte contre le terrorisme », affirme l’étude.
[raside number= »3″ tag= »libye »]
Ainsi les défis majeurs pour la Libye sont d’ordre politique, à savoir la création d’un nouvel Etat unifié. Il y a aussi le défi économique qui consiste à éviter l’effondrement économique du pays.
En effet, d’après le rapport « perspectives économiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord » (MENA) publié le 5 octobre 2015, les indices économiques de la Libye ont connu une dégradation considérable :
- Chute de la production du pétrole de 40%,
- Un endettement qui a dépassé les 55% du PIB,
- Un déficit de la balance commerciale de 70% du PIB,
- Une régression des réserves en devises au seuil de 50MD (contre 100MD en 2013).
Quant au défi sécuritaire, il comporte trois dimensions :
- Lutter contre l’organisation terroriste Daesh,
- Eviter ou réduire le risque d’intervention militaire,
- Monopolisation de l’Etat de la force et des armes contre les milices et les autres organisations armées.
Ainsi deux scénarios sont envisageables selon la même étude : la réussite de la solution politique ou l’anarchie et l’effondrement :
D’après l’étude, le démarrage d’une solution politique aura des répercussions positives :
- Il pourrait réduire l’intervention militaire ou même l’éviter,
- Accorder une chance pour l’économie pour qu’elle se réhabilite avec le retour à la normale de la production du pétrole,
- Unifier les efforts contre l’organisation terroriste Daesh.
Contre ce premier scénario, s’oppose un autre scénario qui consiste au blocage de la solution politique avec l’intervention militaire, il engendrera :
- La précipitation de l’effondrement de l’économie libyenne;
- Donnera un terrain propice à l’expansion du terrorisme;
- Effondrement de ce qui reste de l’Etat et l’ouverture vers d’autres scénarios dangereux : division, anarchie et enlisement.
Mais quelle influence sur la Tunisie ?
Chaque scénario aura ses propres conséquences sur la Tunisie.
Le premier scénario : la solution politique
Le démarrage de la solution politique aura des répercussions positives sur la Tunisie telles que :
- La coordination avec une seule partie en matière de lutte contre le terrorisme,
- La maîtrise des frontières tuniso-libyennes, notamment en ce qui concerne la lutte contre la contrebande et l’infiltration des jeunes Tunisiens en Libye sous prétexte de lutter contre l’intervention militaire,
- L’émergence de nouvelles opportunités d’investissements et d’emploi pour la Tunisie,
- L’ouverture de perspectives pour les compétences tunisiennes, notamment dans les secteurs de la santé, tourisme et autres. Ce besoin interviendra à un moment où la Libye a un besoin urgent de diversifier ses ressources suite à la chute de ses réserves en pétrole.
- De même, le rapport estime qu’il existe une possibilité de tirer profit des liquidités dont disposent les ressortissants libyens en Tunisie pour financer des projets économiques tunisiens à condition qu’il y ait une souplesse juridique.
Cependant, d’autres répercussions négatives doivent être prises en considération à l’instar d’une concurrence pour les exportations tunisienne vers la Libye, le positionnement d’autres forces au détriment de la Tunisie (Egypte, Maroc, Turquie, Union européenne…). De même l’étude a estimé que les intérêts de la Tunisie seront influencés par sa gestion marquée par l’hésitation pendant les dernières années.
Le deuxième scénario : vers plus chaos et de désordre
Contrairement au premier scénario annonciateur de paix, productivité et essor, le deuxième scénario annonce une scène désastreuse sur trois niveaux : sécuritaire, socioéconomique et politique.
Plusieurs dangers sécuritaires ne sont pas à exclure dans ce cas. L’étude recense un certain nombre de scénarios comme : cibler les intérêts nationaux et étrangers en Tunisie, et ce, à travers les cellules dormantes, infiltration de combattants fuyant la guerre pour rejoindre le territoire tunisien, augmentation de la possibilité du passage des armes à travers les frontière et par conséquent propagation du terrorisme et du crime organisé.
[aside align= »left » type= »embed » width= »450″][raside number= »5″ tag= »printemps arabe »][/aside]
Bien évidemment le volet socio-économique n’est pas épargné lui non plus. L’étude estime que le pouvoir d’achat des Libyens résidant en Tunisie connaîtra une dégradation étant donné que l’Etat libyen ne pourra plus assurer leurs pensions. Le dinar libyen en s’affaiblissant aura des répercussions sur la chute de la valeur des investissements libyens en Tunisie amoindrissant les opportunités d’affaires en Libye. De même, la tension sociale et le chômage seront au rendez-vous dans les zones frontalières qui commercent avec la Libye.
Ce désordre à tous les niveaux se répercutera inévitablement au niveau politique.