A l’approche des nouvelles négociations salariales 2016 dans le secteur privé, la problématique de la capacité des entreprises tunisiennes à augmenter les salaires alors que la productivité est en berne refait surface. Les responsables de l’UGTT ont déclaré qu’ils sont prêts pour un nouveau round de négociations. Quant à l’UTICA, Khalil Ghariani, président de la commission des affaires sociales auprès de l’UTICA, avait indiqué au mois d’avril que sans l’instauration et le respect de la paix sociale il n’y aura pas d’avancement.
Contacté par leconomistemaghrebin.com, Nabil Abdellatif, président d’honneur de l’Ordre des Experts-Comptables de Tunisie, a indiqué que la productivité demeure un problème très complexe, régie par plusieurs données structurelles et qu’elle dépend de plusieurs paramètres inhérents au salarié et au système de management en même temps, d’après notre interlocuteur.
[raside number= »2″ tag= »ugtt »]
Pour le président d’honneur de l’Ordre des Experts-Comptables de Tunisie, le système de management en Tunisie a montré qu’il est défaillant que ce soit dans le secteur public ou privé. D’ailleurs, les performances du management sont défaillantes, raison pour laquelle les entreprises peinent ( fermetures, abandon d’activités) et à cela viennent s’ajouter des difficultés exogènes.
Et de rappeler que le taux de croissance en 2015 a atteint 0,8% : « Ce taux de croissance reflète la qualité et la valeur du travail. Rien que de voir le taux de croissance en chute, on se rend compte de l’existence d’un grand problème dans le modèle économique, notamment dans les secteurs qui nécessitent une large main- d’œuvre avec leurs charges, ce qui inévitablement génère des problèmes au niveau des ressources humaines », dit-il.
D’après l’économiste, les difficultés sont liées à la base au modèle de l’ascenseur social tunisien à : « Pendant 50 ans les familles tunisiennes voulaient que leurs enfants fassent des métiers valorisants comme médecin, pilote mais aujourd’hui, ces spécialités sont saturées vu que nombre d’entre eux sont au chômage. L’abandon de la formation professionnelle a contribué à l’aggravation du problème en Tunisie ». D’ailleurs, plusieurs pays européens ont opté pour la formation professionnelle : « Le jeune arrive très tôt sur le marché du travail muni d’un diplôme de formation professionnelle et s’il a envie de continuer les études, il pourra le faire plus tard », remarque-t-il.
Cependant, en Tunisie le schéma n’est pas le même, regrette l’économiste avec le système d’études actuel où le master est devenu général et généralisé : « Je considère que c’est une forme de chômage déguisé qui permet d’éloigner les jeunes concernés du marché de l’emploi pendant deux ans », estime-t-il. « De plus, cette formation universitaire n’est pas en adéquation avec les besoins du marché et des entreprises ».
A quoi les chefs d’entreprise se trouvent-ils confrontés ?
« A l’absence totale de compétences qui correspondent à leurs besoins les contraignant à recourir à la main-d’œuvre étrangère. De l’autre côté, les syndicats s’échinent pour obtenir des augmentations de salaires mais qui se révèlent vaines à cause de l’inflation », regrette-t-il.
« Aujourd’hui le ministère du Commerce et celui de la Formation professionnelle et de l’Emploi devraient conjuguer leurs efforts pour trouver une solution au problème de l’inflation, autrement la motivation et la productivité vont encore chuter», recommande-t-il. Critiquant l’expression « nous avons acheté la paix sociale » utilisée par un certain nombre de politiciens, l’expert a indiqué que le pays n’est pas en guerre pour utiliser ce terme qui est d’ailleurs inapproprié car la paix sociale ne s’achète pas. » C’est tout bonnement du populisme « , assène-t-il.
Comment les prochaines négociations sociales vont-elles se dérouler ?
À cette question, notre invité a indiqué que les prochaines négociations sociales seront un remake des précédentes : tractations qui seront suivies de signature de convention et chaque secteur trouvera des arrangements. Dans la même perspective, il a indiqué que tant que le Conseil supérieur du dialogue social n’a pas encore été mis en place, le dialogue salarial ne se transformera pas en un dialogue social raison pour laquelle le paramètre de la productivité n’existe pas lors des négociations. D’après notre interlocuteur, l’UGTT et l’UTICA fuient le Conseil supérieur du dialogue social et le Conseil économique social mais il est temps de mettre en place les deux organismes.
Notons que le Conseil supérieur du dialogue social se focalise sur tout le régime : salaires, augmentations, conditions de travail et autres paramètres, loi du travail. De même, il a recommandé un Smig respectable avec une très bonne rémunération pour les heures supplémentaires afin de booster la motivation.
Nabil Abdellatif s’est également prononcé pour la révision du Code du travail vers plus de souplesse et à ce que les Caisses sociales prennent en charge les licenciements pour causes économiques.