« Mardi 3 mai a été l’un des jours les plus difficiles dans la ville d’Alep. Les mortiers, les pilonnages, les frappes aériennes, les bombes ont créé une atmosphère de chaos et de désespoir. Personne ne peut se sentir à l’abri.
Les rues sont presque vides. Les gens sont fatigués, épuisés. On lit sur leurs visages l’impuissance et le manque d’espoir. Personne ne peut dormir la nuit, la ville tremble, le son d’explosions, de pilonnages et de sirènes d’ambulances évacuant les blessés vers les hôpitaux ou d’autres centres de santé est incessant. Ici, on ne vit pas. C’est l’enfer. »
C’est le responsable du Comité international de la Croix-Rouge ( CICR ) à Alep, Valter Gros, qui témoigne. Une voix neutre qui décrit le calvaire vécu par la population civile sans dire qui est responsable de l’enfer qu’il décrit. Inutile de dire que pour la propagande turco-saoudo-qatarie, les centaines de milliers de morts ont tous été tués par le régime de Bachar.
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Inutile de préciser aussi que pour l’opposition syrienne qui bat le pavé à Istanbul et Riyad, le seul terrorisme qui sévit en Syrie est celui exercé par le régime qui se livre à « une guerre d’extermination contre le peuple ».
Inutile de noter enfin que cette même opposition qui prend ses ordres d’Erdogan, du roi Salman et de l’émir du Qatar n’a jamais incriminé Daech, Annosra ou Ahrar Al Cham. Elle n’a jamais accusé du moindre crime les dizaines de milliers de terroristes (Saoudiens, Tunisiens, Irakiens, Algériens, Libyens, Jordaniens, Afghans, Tchétchènes, Ouzbèkes…) qui ont déferlé en Syrie où, sous le couvert du Jihad, ont semé et continuent de semer la mort et la destruction.
Mais à en croire beaucoup de journaux en Europe, aux Etats-Unis, en Arabie saoudite et en Turquie, le malheur des Syriens a une source unique : le régime de Bachar et son allié russe qui ne visent que les civils, en particulier les femmes et les enfants, et les institutions d’utilité publique, en particulier les hôpitaux et les écoles, etc.
Pourquoi Alep fait-elle aujourd’hui les grands titres de la presse mondiale? Autrefois capitale économique et financière prospère, la ville est aujourd’hui en ruines. Pourquoi?
Epargnée durant quatre ans. Alep a bénéficié depuis 2012 d’un cessez-le-feu de fait entre les forces syriennes qui occupent les quartiers est de la ville et l’opposition qui occupe les quartiers ouest.
Tout a changé le 27 mars dernier quand les forces syriennes ont expulsé les terroristes de Daech de Palmyre. L’importance de cette victoire est qu’elle ouvre la voie à la libération des deux principales villes sous domination totale de l’ « Etat islamique », Deir Ezzor et surtout Raqqa dont l’organisation terroriste en a fait la capitale du « khilafa ».
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Cette perspective a mis les responsables turcs et saoudiens dans un état de panique. Pour eux, si les forces de Bachar, avec un moral au zénith après leur victoire écrasante à Palmyre, poursuivent sur leur lancée dans le nord et coupent l’unique route qui relie encore le nord de la Syrie et le sud de la Turquie, ce sera la fin de l’opposition armée.
Il n’est pas difficile de savoir d’où les armes nouvelles, inconnues auparavant chez les groupes terroristes, sont arrivées aux mains d’Annosra qui, rompant une trêve de quatre ans, commença à bombarder les quartiers résidentiels de la ville d’Alep sous contrôle des forces syriennes. Un reportage diffusé par la BBC Arabic le jeudi 5 mai montre comment des immeubles s’effondrent comme des châteaux de cartes par des armes destructrices dont dispose désormais Annosra qui, selon le témoignage anonyme des médias internationaux, a bombardé également des hôpitaux.
La riposte des armées syrienne et russe est dévastatrice pour l’organisation terroriste, mais aussi, hélas, pour les civils pris en otages et utilisés comme boucliers humains par les organisations terroristes.
Le terrible calvaire vécu par les civils a fini par convaincre les Russes d’accepter la demande pressante des Américains d’étendre le cessez-le-feu à Alep. Mais il faut dire que les Américains ne sont pas animés seulement par des considérations humanitaires. Ils sont aussi et surtout animés par des considérations stratégiques qui les amènent à considérer qu’une victoire écrasante de Bachar sur Annosra est inacceptable, même si cette organisation est l’héritière d’Al Qaida qui, rappelons-le, a tué 3000 Américains en quelques minutes le 11 septembre 2001…
Reste à savoir comment se comporteront les Russes après la déclaration du président syrien du 5 mai dernier affirmant : « Je n’accepterais pas moins qu’une victoire totale à Alep ». Évidemment Poutine ne serait pas mécontent que l’armée syrienne reprenne le contrôle de la deuxième ville du pays, mais il se trouve qu’il a pris l’engagement de coordonner avec les Américains sur le terrain et de ne pas entraver les efforts de l’ONU qui parraine les négociations de Genève.
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En affirmant vouloir « la victoire totale » à Alep, Bachar sait de quoi il parle. Car, s’il réussit à réaliser son désir et à libérer totalement la ville des mains des terroristes et des mercenaires étrangers, cela lui permettra de sceller la frontière avec la Turquie et, par conséquent, de tarir l’unique source d’approvisionnement de ses ennemis. Il ne lui resterait plus alors qu’à pousser vers l’est et libérer Raqqa où Daech, privée de l’aide turque, n’aurait guère le choix qu’entre la mort et la fuite.
Ce scénario de rêve pour Bachar est le cauchemar qui hante les nuits d’Erdogan et de ses amis saoudiens. Bien que la guerre en Syrie ait dépassé en longueur la Seconde Guerre mondiale, il est à craindre que le président turc qui n’a pas que des problèmes avec Bachar, mais aussi avec les millions de Kurdes et même avec son Premier ministre Daoud Oglu et avec des membres de son propre parti, ne soit tenté par la politique du pire et ne transforme la catastrophe syrienne en catastrophe régionale.