A l’heure où la Tunisie fait face à plusieurs défis, la répartition des biens de la succession entre les héritiers hommes et femmes fait l’objet de débats non seulement à l’ARP, mais aussi auprès de l’opinion publique.
Que faut-il savoir? Il s’agit d’un fait nouveau, quand on parle du projet prônant l’égalité devant la justice entre les hommes et les femmes en matière d’héritage.
Une initiative lancée par Mehdi Ben Gharbia, député de l’Alliance démocratique avec l’appui de 27 députés signataires. Parmi eux figurent : Youssef Jouini, Lotfi Ali, Ahmed Saïdi, Fatma el Mseddi, Zohra Driss, Leila Chettaoui, Jilani Hammami, Ammar Amroussia, Wafa Makhlouf, Riadh El Mouakher, entre autres.
Ce projet s’inscrit dans la vision progressiste et moderniste que la Tunisie a adoptée depuis l’indépendance avec l’adoption du Code du statut personnel, a affirmé Mehdi Ben Gharbia, à l’issue de la conférence tenue aujourd’hui.
Cependant, dès qu’on parle d’égalité en matière d’héritage, la question devient délicate pour ne pas dire taboue parce que cela va à l’encontre de la Charia (droit musulman).
La réponse est claire : « Nous ne sommes pas en train de toucher au droit divin, loin de là. Aujourd’hui avec ce projet de loi, nous laissons le choix aux héritiers. Mais en cas de désaccord, l’Etat a pour rôle d’appliquer la loi et être égalitaire envers les citoyens », déclare-t-il.
Et d’ajouter : « Il faut se référer aux chiffres pour constater que la femme représente 60% des diplômées et 48% d’entre elles se retrouvent au chômage. Ce serait un grand pas de gagné vers l’égalité si ce projet voyait le jour. La Tunisie a toujours été un pays avant-gardiste et le restera. Cette bataille nous finirons par la gagner. »
« Toujours est-il que le projet de loi en question laisse toute latitude aux héritiers de choisir soit l’option d’égalité ou l’ancien mode de partage sous réserve du consentement des héritiers concernés. La loi ne sera donc appliquée qu’en cas de litige », précise-t-il.
Pourquoi en parler maintenant ?
Zohra Driss, députée de Nidaa Tounes, a, de son côté, reproché un peu le fait d’en parler tardivement, en précisant : « J’aurais aimé que l’on en parle bien avant, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. »
Interrogée sur l’éventualité de détourner l’opinion publique sur cette question sensible, elle a nié en bloc, en soulignant : « C’est faux, et tout ce qui se raconte autour est loin d’être la réalité. Voyez-vous on peut discuter sur dix lois dans une journée, le fait d’aborder ce projet de loi n’a rien de particulier. »
Qu’en est-il du discours religieux? En remontant plus loin dans l’histoire, dans les années 30, le Cheikh zeitounien Tahar Haddad avait abordé la question de l’héritage dans son combat acharné contre l’inégalité homme-femme, en s’appuyant sur la contextualisation des préceptes religieux. Dans sa réflexion, il a fait savoir que les préceptes religieux ne sont pas statiques et tiennent compte des mutations sociales à travers le temps.
Ce qu’en pensent les Tunisiens à ce sujet?
D’après une enquête Sigma Conseil consacrée à l’égalité dans l’héritage entre homme et femme, sur un échantillon de 1227 Tunisiens, 47% des sondés sont pour une égalité imposée, dont 35% qui sont “tout à fait d’accord” et 53% qui sont contre. Alors que 84% sont pour l’égalité comme choix facultatif, dont 71% tout à fait d’accord et seuls 14% contre.