Tant que la situation des terres agricoles n’est pas régularisée, l’agriculture et l’investissement agricole demeureront freinés par un certain nombre de handicaps juridiques.
C’est le constat de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) et du Centre de Tunis pour la loi foncière et l’urbanisme, lors d’une journée d’étude organisée par les deux organismes qui n’ont pas manqué de lancer un appel à la réforme des lois régissant les affaires foncières.
Situation peu enchanteresse des terres agricoles
Pour Abdelmajid Ezzar, président de l’UTAP, la situation des affaires foncières demeure complexe pour les agriculteurs. Expliquant la situation, il a indiqué que tant que la situation foncière d’une terre agricole n’est pas régularisée, il n’est point possible de s’investir, de la vendre et/ou appeler un investisseur étranger à y prendre part.
Ainsi, il s’agit d’un blocage juridique et administratif à la fois. En dépit de l’absence des chiffres, le président de l’Union avance qu’uniquement 10% des terres agricoles sont régularisés. Quant aux autres, elles peinent engluées qu’elles sont dans des carcans juridiques archaïques qui ne tiennent pas compte du changement de contexte.
C’est pourquoi, le président de l’UTAP estime qu’il est temps de donner la priorité à la régularisation bien avant de s’attaquer à d’autres aspects fonciers.
De la nécessité de la réforme …
Remontant à la source du problème, Mihriz Hanfi, avocat et secrétaire général du Centre de Tunis pour la loi foncière et l’urbanisation, soutient que le problème ne date pas d’hier.
D’ailleurs, le Centre dont il est le secrétaire général porte depuis toujours un intérêt particulier à cette problématique. Depuis deux ans, une journée d’étude a été tenue pour exposer les solutions proposées par le centre. Ainsi la première étape sera de revoir les textes juridiques afin qu’ils deviennent plus adaptés et plus adéquats à la conjoncture actuelle, recommande-t-il. L’absence de chiffres précis relatifs au nombre des terres agricoles non régularisées a incité le centre à travailler en partenariat avec le ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques pour faire un recensement adéquat de ces terres.
Ainsi, il a lancé un appel urgent aux autorités compétentes pour revoir et réformer les textes de la loi de 1985 au profit des agriculteurs.
Cependant pour l’agriculteur qui est contraint d’offrir en garantie sa terre, dont la situation foncière n’est pas apurée, en vue d’obtenir un crédit ou un avantage quelconque pour améliorer sa situation personnelle, il n’ y a qu’un seul recours : obtenir un certificat de propriété délivré par le gouverneur de sa région.
Mais le problème remonte loin dans le temps
Houcine Othmani, directeur général des affaires foncières auprès du ministère de l’Agriculture et vice-président du Centre de Tunis de la loi foncière et de l’urbanisme, a déclaré que le problème a été hérité de la juridiction française du temps du Protectorat. D’ailleurs le premier texte en la matière remonte à 1885. Ainsi le propriétaire terrien, qui souhaite obtenir un titre foncier en bonne et due forme, se trouve embarqué dans un parcours du combattant car il doit satisfaire aux diktats de deux vis-à-vis, à savoir le ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières et celui de l’Agriculture. Les réformes qui ont été tentées depuis lors n’ont pu résoudre cette complexité.
Saad Sadik, ministre de l’Agriculture, tout en reconnaissant l’importance du problème, a fait savoir que les autorités compétentes planchent sur le sujet.
Pour la problématique des terres collectives, il a indiqué que le ministère a commencé à travailler sur un programme ciblant les terres collectives, les terres agricoles et les terres privées.
Terres agricoles- loi 64 : l’amendement en est à la dernière ligne droite
L’amendement de la loi n° 64-28 du 4 juin 1964 relative aux terres collectives est fin prêt pour être adopté, affirme le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Hatem Euchi, lors de la clôture d’une journée d’études portant sur la situation des terres agricoles tenue au siège de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche, hier, vendredi 13 mai.
De même le ministre a indiqué que la loi 95, relative à l’exploitation des terres agricoles appartenant aux domaines de l’Etat, est en train d’être revue. En effet, un décret relatif à la régularisation de la situation des exploitants des terres domaniales est en cours d’élaboration. Tous ces amendements permettront en outre aux agriculteurs de vendre les terres dispersées. D’ailleurs, les commissions relatives à la préparation des amendements ont été constituées, fait savoir le ministre.
Ainsi le renouvellement de l’armada juridique s’impose afin d’intégrer ces terres dans le cercle économique d’après les juristes et les agriculteurs.
Il est à rappeler que parmi les mesures prises annoncées par le gouvernement de Habib Essid, celle relative à la régularisation de la situation des terres collectives est des plus sensibles à cause de la levée de boucliers qu’elle risque de provoquer auprès de certaines franges de la population concernée .