Afin d’apporter des éclairages sur les pistes de relance possibles de la croissance économique, débattre des réformes urgentes à mettre en œuvre ainsi que de l’économie politique de ces réformes, d’analyser les réformes en cours et les facteurs de blocage, ainsi que discuter de la nécessité ou non d’un programme d’urgence économique pour la Tunisie, l’Association « Ifrikiya pour le dialogue économique » a organisé un débat animé par Hakim Ben Hammouda, ancien ministre de l’Economie et des Finances, Hachemi Alaya, universitaire et économiste et Habib Karaouli, DG de la Banque d’Affaires de Tunisie, et ce, en présence d’éminents responsables politiques, d’experts en économie et de représentants de la société civile.
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Abordant la question de la situation économique actuelle, M. Alaya a affirmé que le véritable diagnostic n’a pas encore été fait. Selon une idée qui domine, les problèmes de l’économie tunisienne auraient commencé avec la révolution de 2011. Mais en réalité, cela est faux parce que les vrais problèmes de l’économie tunisienne ont débuté dès la fin des années 90 et le début des années 2000. En effet, l’économie tunisienne était déjà malade et s’est écroulée dès le déclenchement de la crise mondiale de 2007/2008. La situation s’est encore aggravée avec la révolution et la transition politique.
Pour notre interlocuteur, le véritable problème de l’économie tunisienne est l’Etat, vu que la Tunisie indépendante a mis en place une organisation fondée uniquement sur un Etat antidémocratique, qui veut tout régir, financer, produire… Par la suite, cet Etat est devenu totalement inapte à assurer son rôle dans l’économie. Et à partir du moment où on a fait la révolution au nom de la liberté, la première chose qui s’imposait était de remettre en cause ce rôle économique de l’Etat et son poids écrasant.
Par contre, M. Karaouli a assuré, quant à lui, que le diagnostic de la situation économique est suffisant. D’ailleurs, suffisamment de temps a été consacré à la réflexion et l’identification des défaillances et du blocage. Aujourd’hui, il faut, selon ses termes, passer à l’action. Sachant que tous les déficits peuvent être résorbés, mais on doit agir. En revanche, le déficit qui est difficilement résorbable est celui de l’imagination.
En effet, depuis la révolution, les différents gouvernements qui se sont succédé ont fait preuve d’un manque flagrant d’imagination, d’une incapacité d’être en rupture et on s’est trouvé encore une fois dans le tendanciel du mimétisme institutionnel et du même paradigme anti-révolutionnaire.
Pour faire face à cette situation, il faut avancer l’idée « plus d’Etat, mieux d’Etat », ce qui impose de redéfinir et repositionner le rôle de l’Etat pour qu’il soit la principale locomotive de réformes qui doivent être introduites dans le pays, pour tracer la voix et soutenir l’investissement privé domestique et les IDE.
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Dans le même sillage, M. Ben Hammouda a indiqué que depuis 2011, on n’a jamais eu une coalition qui a duré plus d’un an et demi. On a essayé de mettre en place une vision, mais elle n’a pas été portée par une majorité politique solide qui s’est inscrite dans la durée, capable d’impulser une dynamique de réformes assez fortes et importantes.
Par conséquent, la relance de la croissance est aujourd’hui essentielle car elle a un impact direct sur toutes les réformes.
Quelle urgence économique?
Sur la question des priorités, Habib Karaouli a souligné qu’il ne faut pas attendre le retour à la croissance pour réformer. D’ailleurs on n’a besoin, d’après lui, d’aucune réforme de second ordre. Il faut donc agir immédiatement et non pas engager des réformes qui risquent de ne pas être appliquées, comme celles des lois sur le PPP et les énergies renouvelables. Idem pour la réforme des banques publiques qui s’est basée sur la recapitalisation au moment où il fallait trouver des solutions plus innovantes.
En réagissant, on peut faire redémarrer la machine et préparer le terrain au retour de la croissance et éventuellement réformer.
Karaouli a souligné qu’une économie qui réussit doit concilier à la fois l’impératif d’efficacité économique et l’exigence de la solidarité sociale. De ce fait, il faut jouer sur nos atouts pour dresser les orientations nécessaires, en mettant le focus sur l’agroalimentaire, les services de santé marchands, la formation et l’éducation, le tourisme ainsi que sur les TICs. Mais avant tout, il faut démanteler tout le système qui entrave la prise de décisions.
De son côté, Hachemi Alaya a plaidé pour un changement complet du rôle de l’Etat dans l’économie parce que depuis la révolution, on a eu des ministres et des Premiers ministres, mais on n’a pas eu de gouvernement qui a une vision, une politique, un programme et un agenda clair et capable de prendre les mesures nécessaires. Sur ce point, il faut une loi-cadre pour pouvoir agir sur le plan économique et financier par ordonnance. Il faut une grande réaction parce qu’aujourd’hui la classe politique est issue de la bureaucratie administrative.
Face à une économie mondialisée, il y a des règles entièrement nouvelles utilisant toutes les technologies pour se débarrasser de l’organisation de l’économie autour de l’Etat et faire confiance davantage aux opérateurs privés. Cela exige, selon l’économiste, une vision à long terme.
Dans le même ordre d’idées, Hakim Ben Hammouda n’a pas manqué de souligner que l’ancien et l’actuel gouvernement ont bien essayé d’agir, mais que le contexte est très compliqué.
Dans ce cas, l’économie doit croître pour relancer la machine, notamment via les grands travaux qui ne sont pas vraiment intégrés dans le plan quinquennal.
Parmi ces grands travaux s’affichent le projet du port en eaux profondes d’Enfidha, ainsi que les autres ports de Radès, Sousse, Bizerte, Zarzis et de Sfax qui ont besoin d’un développement rapide.
Et le meilleur modèle de développement est celui de l’accompagnement et l’appui des entreprises et des groupes qui ont attaqué les secteurs de haute technologie. Il faut donc passer de l’intensif en travail à faible coût, à une montée dans les chaînes de valeur.
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