On connaît l’aversion particulière du président Bourguiba pour les unions arabes qui ne riment à rien et qui ne mènent nulle part. Rappelez-vous l’accord de Djerba de 1972, qui a fini en queue de poisson. Comme on connaît sa suspicion pour les discours enflammés et surréalistes de certains de ses pairs arabes. Rappelez-vous les envolées lyriques de Nasser et de Kadhafi et les réactions sarcastiques du vieux lion.
Si je fais ce petit clin d’oeil au passé, c’est parce que l’Union du Maghreb Arabe (UMA), cette institution très critiquée et qui vient d’avoir 27 ans (elle est née un certain 17 février 1989 à Marrakech), vient de se rappeler à notre bon ou mauvais souvenir (c’est à voir), avec l’avènement à sa tête de M. Taieb Baccouche, ministre sortant des Affaires étrangères, qui n’aura pas finalement beaucoup chômé, et qui, en vertu d’un accord passé entre les Etats qui donne l’exclusivité du poste de secrétaire général à la Tunisie, s’apprête à prendre ses quartiers à Rabat, siège de l’organisation. Il succède à l’ancien chef de la diplomatie tunisienne Habib Ben Yahia qu’on n’a pas beaucoup vu, ligoté qu’il était par le bon vouloir des Etats membres.
Rêvée par les anciens et partie pour être une organisation géostratégique, en phase avec les défis de son temps et avec les aspirations légitimes des peuples de la région (ils sont plus de 90 millions), ce »machin », comme dirait De Gaulle, s’est avéré une coquille presque vide. Et puis, on peut le dire : à part le cercle des officiels et des initiés, qui, parmi l’opinion publique maghrébine qui n’a jamais eu voix au chapitre concernant les unions et les désunions, connaît aujourd’hui vraiment l’UMA ?
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On peut comprendre que cette même opinion, agacée par les slogans creux, boude et préfère se refugier derrière des égoïsmes nationaux étriqués, une tendance qui, semble-t-il, est dans l’air du temps. A moins d’un miracle, et vu que la machine est presque en panne en raison du problème du Sahara occidental, je ne vois pas M. Baccouche faire bouger les lignes. Et puis, il ne faut pas l’oublier : l’organisation est ce que les dirigeants de la région veulent qu’elle soit.
Un choix stratégique, vient de rappeler le Président de la République Béji Caid Essebsi, en recevant les ministres des Affaires étrangères maghrébins réunis en conclave la semaine dernière à Tunis. Un choix stratégique, soit. Mais il y a des paroles et des actes, et le chef de l’Etat, en vieux renard de la politique et de la diplomatie, ne le sait que trop bien. La méfiance et l’absence de confiance entre les pays membres, il connaît.
Le processus de normalisation et de stabilisation de la Libye, chapeauté par les Nations unies et qui tarde à se mettre en place, en est du reste la parfaite illustration. Néanmoins, dans un contexte régional et international qui ne ressemble en rien à ce que l’on a vu auparavant, on peut formuler le voeu que l’on saura s’élever à la hauteur des défis qui se posent à la région, et croyez-moi, ils sont très nombreux et ne s’arrêtent pas à la menace terroriste.
Je vous donne un exemple, celui du commerce, où le constat est accablant et témoigne de l’échec d’une intégration économique régionale qui aurait pu connaître un meilleur sort. Jugez par vous-mêmes : comparés avec les autres zones de coopération régionale dans le monde, les échanges commerciaux entre les pays de l’UMA sont les plus faibles (3%). Ils sont estimés à 7 millions de dollars, pas de quoi pavoiser ! Heureusement qu’il y a une véritable coopération entre les Etats, au moins cela de gagné.