Président- fondateur du Parti de la justice et du développement (AKP) et président de la République, depuis 2014, après en avoir été Premier ministre de 2003 à 2014, Recep Tayyip Erdogan et son parti dominent la scène politique, en Turquie.
Suite à des divergences sur la question de l’affirmation d’un régime présidentiel, le premier ministre Ahmed Davidoglu démissionna le 4 mai. Il vient d’être remplacé à la direction du parti et à la tête du gouvernement par un fidèle, Binali Vildrim, décidé à travailler en « totale harmonie », avec le chef d’Etat qui est pressé d’élargir ses prérogatives.
Les observateurs européens accusent volontiers le président d’autoritarisme, vu ses interventions globales sur la scène : ils citent notamment son rigorisme religieux et son souci de fossiliser l’héritage d’Ataturk. « Dire que Tayyip Erdogan doit partir, dit-il, c’est vouloir la destruction de l’unicité de notre nation, de notre drapeau, de notre patrie, de notre Etat ». Un président parlant à la troisième personne et confondant l’Etat à sa personne n’implique pas une gouvernance démocratique. Nicolas Cheviron et Jean-François Perouse, qui lui ont consacré un livre : Erdogan, père de la Turquie, évoquent plutôt une « folie des grandeurs » (voir Marie Jego, « Erdogan démythifié, Le Monde des livres, 13 mai 2016). Baskin Oran, professeur de sciences politiques à l’université d’Ankara, parle du « syndrome d’hubris », la maladie du pouvoir (Anne Adelaur, « Erdogan, en campagne pour son régime présidentiel », Le Figaro, 16 mais 2016). Des analystes arabes expliquent les interventions tous azimuts de la Turquie, par des velléités de réactualiser le sultanat et de restaurer l’aire ottomane.
Nous préférons quant à nous expliquer ce comportement par l’idéologie de l’AKP, une variante de la mouvance des Frères musulmans, l’idéologie de l’Islam politique. Signe de cette orientation, la volonté d’annihiler les acquis de l’ère d’Ataturk, les velléités de retour aux us et coutumes d’antan, l’ouverture des hôtels halal, avec leurs plages closes, leurs codes vestimentaires stricts, les zones réservées aux femmes (Guillaume Perrier, Le Monde, 30 juillet 2012). Autre exemple éloquent, Erdogan estime que les femmes doivent élever « au moins trois enfants ». Face à cette vision, l’inquiétude monte dans la Turquie laïque. D’autre part, le gouvernement d’Erdogan a des alliances préférentielles avec la résistance islamique en Syrie.
La Turquie vit une conjoncture difficile : reprise du conflit kurde, la contagion djihadiste venue de Syrie etc. De ce fait, le rapprochement avec l’Union européenne est remis en question. La chancelière allemande Angela Merkel a adressé un message de fermeté lundi 23 mai au président turc Recep Tayyip Erdogan, lequel s’est vu signifier un refus d’exemption de visas européens à un tarif avantageux, assorti d’une leçon de démocratie. Mme Merkel, qui rencontrait le chef de l’Etat turc en marge du premier Sommet humanitaire mondial, a également fait part de sa « profonde préoccupation » au sujet de la levée de l’immunité de députés turcs, dont de nombreux élus pro-kurdes, qui y voient une manœuvre du gouvernement pour les évincer. Elle rappela au président Erdogan, qu’une « démocratie avait besoin d’une justice indépendante, d’une presse indépendante et d’un Parlement fort ». D’autre part, la prise de position du président Erdogan contre El-Assad l’inscrit dans une démarcation géopolitique, contre la Russie, l’Iran, Hezb Allah et dans une moindre mesure, les autres pays arabes non engagés dans cette alliance. D’autre part, les divergences avec l’Union européenne semblent remettre en cause l’accord conjoncturel relatif aux migrants.
merci recep