Le passage de l’emploi informel à l’emploi formel demeure encore un sujet d’actualité à plus d’un titre. Les experts ne sont pas unanimes sur le taux que représente l’emploi informel dans l’économie nationale. Mais, des voix s’élèvent contre ce phénomène qui ne cesse d’altérer et de léser l’économie formelle.
D’ailleurs, parmi les solutions qui ont été proposées figure la formalisation de l’emploi informel. Autrement dit, le passage bien étudié de l’économie informelle à l’économie formelle.
C’est dans cette perspective que l’Association tunisienne de gestion et de stabilité sociale (TAMSS) a organisé une conférence débat sur « L’emploi informel en Tunisie : solutions possibles pour la transition vers le formel ».
Dans le cadre de la conférence-débat, trois conventions ont été signées : une convention cadre entre l’association TAMSS et le ministère de la Formation professionnelle et de l’emploi et deux conventions spécifiques entre l’ANETI, CENAFFIF et Taysir Conseil, d’une part, et entre TAMSS et le centre d’affaires du Kef, d’autre part; et ce pour la création d’un bureau d’appui à la formalisation des travailleurs informels au Kef.
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Asma Ben Hassen, directrice du projet Tili, dont l’objectif principal est la création d’un cadre économique légal pour pouvoir transférer l’emploi informel vers l’emploi formel, a affirmé que l’association a travaillé sur un « focus groupe » et a réalisé plusieurs études dans différentes régions de Tunis.
D’après notre interlocutrice, l’emploi informel se définit selon les conditions de l’employé et la nature de l’activité qu’il exerce. Si l’employé n’a pas de couverture sociale et que les conditions du travail décent ne sont pas respectées, et sans paiement d’impôts, dans ce cas il s’agit bien d’un emploi informel.
La conférence a été aussi l’occasion d’écouter les témoignages de jeunes qui ont abandonné l’emploi informel pour commencer une nouvelle carrière dans l’emploi formel. Chokri, un jeune de 27 ans, titulaire d’un diplôme en plomberie, avait déjà travaillé pendant six ans dans l’emploi informel : « A cette époque, avoir une couverture sociale, payer des taxes cela ne me signifiait pas grand-chose et je dirais encore que je ne comprenais pas l’ampleur du risque », nous dit-il. Toutefois, l’emploi qu’il exerce n’était pas sans risque ou sans problème. Cependant, en 2015, un tournant décisif a eu lieu dans la vie de Chokri : « Un de mes collègues a eu accident du travail, ce qui m’a obligé à penser à d’autres alternatives ». Ainsi, la prise de conscience des dangers que présente l’emploi informel pour ce jeune a eu lieu avant d’entrer dans le secteur formel et de bénéficier de l’encadrement de l’association TAMSS.
Ce témoignage n’est qu’un exemple parmi tant d’autres histoires de jeunes qui ont assisté à la conférence, qui sont venus livrer leurs témoignages sur leur passage de l’informel au formel et qui ont bénéficié de l’encadrement de l’association. Ainsi cette action a créé toute une dynamique, étant donné que chaque jeune qui a abandonné l’informel œuvre de son coté à encadrer d’autres jeunes, pour les aider à quitter le secteur informel. Une artisane qui exerce au village des artisans du Kef affirme qu’elle a vécu un grand changement depuis qu’elle a commencé dans le secteur formel.
Le passage de l’informel au formel ne se fait pas sans souci et ni sans contrainte. Hanen Fessi, la présidente de l’Observatoire de la sécurité sociale regrette que la loi 32, malgré les avancées qu’elle a connues, exclut un certain nombre de catégories professionnelles (agriculteurs, pêcheurs, collecteurs de déchets…). Ainsi, elle a proposé la mise en place de chèques sociaux à la disposition de cette catégorie, afin qu’elle puisse payer les cotisations de la sécurité sociale.
Mais la lutte contre l’emploi informel ne rime pas uniquement avec pénalité et application rigoureuse de la loi. Chokri Ouali, directeur de Contrôle de la législation du travail au sein du ministère des Affaires sociales, a indiqué que son département a lancé une initiative pilote en Tunisie relative à la sensibilisation des travailleurs dans le secteur de l’informel. D’ailleurs, l’expérience a commencé depuis 2013 et ne contient pas de mesures répressives, a ajouté Chokri Ouali.
Il est à noter qu’une expérience pilote aura lieu au Centre d’affaires du Kef, relevant du ministère de l’Industrie. En effet, un bureau sera ouvert dans ce centre pour accueillir les travailleurs de l’informel et mieux les orienter dans les démarches à suivre pour la formalisation.