Un grand vent d’inquiétude souffle quand on évoque la corruption en Tunisie. Le juge au sein du Tribunal administratif, Ahmed Souab, était l’invité de l’émission “Celui qui ose” dans la soirée du dimanche 29 mai, au cours de laquelle il a souligné l’ampleur de la corruption qui gangrène la société depuis le 14 janvier 2011.
«C’est une catastrophe, on va vers un Etat mafieux, comme dans certains pays occidentaux, comme l’Italie ou encore l’Amérique Latine», affirme Ahmed Souab.
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«Il n’y a pas pire que la corruption pour faire obstacle à la démocratie, à l’instauration d’un Etat de droit, une démocratie profonde, l’égalité entre l’homme et la femme, une discrimination positive au profit des régions défavorisées», a-t-il ajouté.
«J’ajouterais que 52% de notre économie est gangrenée par l’économie informelle, qui réalise un chiffre d’affaires impressionnant soit 50.000 milliards; sans qu’aucune déclaration d’impôt ou de CNSS ne soit enregistrée», mentionne-t-il.
«Certains ministres, même s’ils ne se sont pas enrichis, sont impliqués d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement (amis, contacts, réseau d’amis). Et il va se passer que ces personnes là vont procéder autrement, soit à travers des menaces, soit par des pressions sur toute personne qui les défie, » a-t-il dit.
Il poursuit : «Rappelez vous ce qui s’est passé pour Abdelfatteh Amor, président de la Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation (CICM), qui a succombé aux pressions et aux menaces des barons de la corruption. Il en est mort.»
Il y a en totalité 300.000 dossiers qui auraient dû être traités, et de poursuivre : «D’ailleurs, j’ajouterais cinq personnes considérées comme les piliers de la corruption en Tunisie. Ces personnes là sont connues et font partie de la Commission d’analyse auprès de la Banque centrale de Tunisie. A ce jour, aucune poursuite judiciaire n’a été entamée à leur encontre.»
Il a fait savoir également que le grand danger qui guette le pays n’est autre que le corporatisme. «Dans chaque institution publique, nous avons à faire à des corrompus», a-t-il ajouté.
«Il faut qu’il y ait une volonté politique basée sur des actes et non de simples paroles dans la lutte contre la corruption. Deux éléments que je juge essentiels pour combattre ce phénomène : donner plus de moyens aux instances concernées, en termes de financement et de moyens humains. Ensuite, appliquer la loi pour faire échec à cette culture de l’impunité qui fait prospérer et s’enraciner de plus en plus la corruption. Je dirais une fois de plus : tant qu’on ne changera pas les mentalités de ces personnes, rien ne changera. C’est là où réside le vrai combat pour anéantir ce fléau», conclut-il.