Un atelier d’experts a été organisé, ce matin, par l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF), en collaboration avec l’IACE, et ce, sous l’égide de la BCT, ayant pour thème : «Quel nouveau sequencing dans l’assouplissement de la réglementation des changes en Tunisie ? ».
A cette occasion, Chedly Ayari, gouverneur de la BCT, est revenu sur la conjoncture économique actuelle, nécessitant l’assouplissement de la réglementation des changes en Tunisie pour garantir le financement et attirer les investissements. Dans ce sens, M. Ayari a fait savoir que depuis plus de quatre ans, les ressources tunisiennes passent par des moments difficiles, face à un manque de ressources en devises, qui sont asséchées depuis presque 6 mois.
Plusieurs facteurs sont le résultat de ces difficultés. Il s’agit, en premier lieu, des importations de gaz et des hydrocarbures qui demeurent un élément très important au niveau du manque de ressources bien que les prix soient baissés. En second lieu, s’affiche la hausse des dépenses des céréales face à une production agricole relativement modeste. Il y a, également, une pression énorme par un stock qui n’est plus nourri par les secteurs créateurs de recettes en devises, comme le tourisme et le phosphate qui ont engendré un manque à gagner de plus de 4 milliards de dinars.
Ainsi, le déficit de la balance commerciale des ménages et des services s’accumule et atteint des niveaux records. S’ajoute à cela le déboursement des capitaux qui retardent et les IDE qui sont en baisse. Parallèlement au remboursement de la dette en devises qui débutera à partir de l’année 2017.
D’autre part, la dérive du déficit courant, qui est de 9% du PIB, est une véritable catastrophe. Le tout a, selon le gouverneur de la BCT, un impact négatif sur le taux de change, résultant d’une diminution de la réserve des changes pour des résultats relativement mineurs. Sachant qu’aujourd’hui cette réserve a atteint 109 jours, ce qui nécessite une vigilance très stricte.
[raside number= »3″ tag= »changes »]
La situation pourrait s’améliorer avec les déboursements du FMI, de la Banque mondiale, de l’UE, de la BAD, et du prêt de garantie américain, d’une valeur de 500 millions de dollars sur cinq ans accordé à un taux d’intérêt à 2% afin de s’ouvrir sur les marchés internationaux, mais elle pourrait s’aggraver en 2017, année de démarrage du remboursement de la dette.
De ce fait, la Tunisie passe par une conjoncture très délicate qu’il faut gérer avec beaucoup de circonspection. Il faut, selon ses termes, être beaucoup plus sérieux en matière de balance commerciale et agir immédiatement au niveau des importations et des exportations.
La BCT ne cesse, de son côté, d’intervenir pour contribuer à la stabilisation de ces dérives, afin de ne pas dépasser les déficits qui ont été programmés au début de l’année et opter pour un système d’ajustement des importations. Mais le rôle principal est celui du gouvernement, qui doit mettre en place des politiques pour définir le prioritaire et le moins prioritaire.
Vers la libéralisation des ressources
Pour faire face, Chedly Ayari a affirmé que dans cette conjoncture de la gestion des pénuries, l’assouplissement de la réglementation des changes en Tunisie est une nouvelle génération de réforme majeure pour le financement et l’attractivité des investissements. En effet, les réformes récemment engagées par la BCT, qu’il s’agisse de la nouvelle loi fixant des statuts, adoptée en avril 2016, et de la nouvelle loi bancaire, adoptée en mai 2016, constituent indéniablement des avancées majeures qui fournissent un cadre propice à une nouvelle phase de libéralisation des changes en Tunisie.
Ces nouveaux textes ont en effet introduit des modulations fondamentales, notamment en termes de pilotage macroprudentiel, afin de favoriser les meilleures conditions de stabilité financière, de mécanismes de prévention des risques systémiques, de mise en place d’une approche multidimensionnelle pour la résolution de la problématique des créances classées, de refonte du cadre légal et règlementaire et de renforcement des conditions de la surveillance bancaire.
Ils s’ajoutent à plusieurs autres réformes entreprises par la BCT depuis 2012 en matière de restructuration du système bancaire, en particulier dans le cadre d’un premier accord stand-by avec le FMI, qu’il s’agisse des évolutions de la réglementation microprudentielle, des dispositifs de refinancement, des réformes institutionnelles du contrôle interne et des modes de gouvernance, le renforcement de l’infrastructure informationnelle et l’assainissement des principales banques publiques. Une nouvelle loi sur les procédures collectives a également été adoptée.
[raside number= »5″ tag= »bct »]
D’autres modulations importantes ont été aussi apportées au cadre de conduite de la politique monétaire pour la maîtrise des pressions inflationnistes, une meilleure connaissance des canaux de transmission et la préservation de la stabilité du dinar, qui autorise la migration sereine, le moment voulu, vers un dispositif de ciblage de l’inflation.
Cet ensemble de mesures renforcent les degrés de conformité de la Tunisie par rapport aux prérequis internationaux en matière de mise en œuvre d’un assouplissement de la réglementation des changes, dans le cadre d’une approche graduelle intégrée assortie d’un sequencing dans la levée du contrôle des changes.
En conclusion, le gouverneur a indiqué que dans le contexte actuel de post-révolution, caractérisé par une pénurie de l’épargne nationale, la libéralisation envisagée est d’autant plus opportune pour la mobilisation des ressources externes nécessaires au financement des réformes, des déficits courant et budgétaire, mais aussi des investissements.
L’attractivité recherchée des ressources va aussi de pair avec l’objectif de facilitation de la dynamique d’internationalisation des entreprises tunisiennes pour une meilleure compétitivité de l’économie nationale.
Nous y reviendrons…
[raside number= »5″ tag= »chedly ayari »]