Question : comment aborder le 21° siècle – largement entamé – avec la mentalité et des comportements du siècle d’avant ? Il ne peut hélas y avoir de réponses convaincantes à cette interrogation.
Les Tunisiens s’accrochent à leurs vieilles habitudes et se plaisent dans l’inconfort du passé.
L’Administration, pour sa part, n’entend rien lâcher de son emprise sur l’économie et sur les citoyens contribuables. Elle peine – si tant est qu’elle le désire – à se mettre à l’heure du digital qui lui ôte son pouvoir discrétionnaire. Elle est en revanche beaucoup plus prompte à gérer les situations sans grands enjeux stratégiques mais non sans réelle portée politique. Elle est plus à l’aise quand il s’agit de caresser dans le sens du poil le citoyen-consommateur en multipliant longtemps à l’avance les effets d’annonce – comme autant de bulletins de victoire – sur sa capacité à assurer l’approvisionnement du marché et à prévenir l’envolée des prix tout au long du mois de Ramadan.
A croire que l’avenir du pays se joue sur la disponibilité, à prix contenus, des œufs, de la viande, du lait dont on ne sait quoi faire en cette période de disette touristique. On a le sentiment – peut-être à tort – que notre préoccupation majeure s’arrête aux abords des marchés des fruits et légumes et des circuits de distribution aussi troubles que peu transparents.
Le reste, c’est-à-dire l’essentiel, le Plan de développement 2016-2020, la réforme de l’Etat, du marché du travail, de la fiscalité, la nécessaire relance de l’investissement, la restauration de la valeur travail et de l’impératif de compétitivité n’est que littérature.
Tout faire pour un mois de Ramadan sans problème. Paix sociale contre surconsommation ? Ne rien faire qui puisse empêcher les gens de dépenser plus qu’ils ne se dépensent. Trois mois durant, de juin à fin août, le pays est saisi par une débauche de dépenses de consommation au moment même où la courbe de la productivité part en vrille. Elle chutera au point de s’aplatir sans grand espoir de la voir remonter.
[raside number= »3″ tag= »productivité »]
On ne peut vouloir faire la guerre à la pauvreté, à la misère, au chômage, aux inégalités régionales, au mal développement pour les éradiquer sans aller jusqu’au bout de notre effort, collectivement. Il n’est d’autre recette que celle qui nous empêche de céder à la tentation du présent, de l’instant. Le salut viendra de notre capacité à privilégier l’investissement plutôt que la consommation. Quand bien même il nous faut assurer un niveau de vie décent pour les familles à faible revenu et les personnes en difficulté.
Les trois mois d’été, pour dire les choses comme elles sont, pèseront lourdement sur les comptes de l’Etat et sur le déséquilibre de notre balance commerciale. Ils ne seront pas d’un grand apport pour la production nationale.
De quelle croissance à venir ose-t-on parler quand dès début juin on aurait réalisé près des trois quarts de la progression du PIB ? Il ne faut pas alors s’étonner si, comme il est prévu, la croissance restera à fin 2016 scotchée à son plus bas niveau, à peine 1,6 %.
Cette réalité est économiquement condamnable et moralement inacceptable. On ne peut décrocher et se déconnecter du travail pendant tout un trimestre sans en faire les frais en termes de création de richesses, de parts de marché, de revenus et d’emplois. Il n’y a pourtant aucune fatalité à cette mentalité, pour le moins inadaptée, qui continue, année après année, de vider le pays de sa substance.
La croissance, l’emploi, les salaires, le niveau de vie ne se décrètent pas. Ils se gagnent dans l’arène de la compétition mondiale. Nos chefs d’entreprise sont engagés dans une véritable guerre économique face à de redoutables concurrents. Leur vision du futur, leur désir de vaincre, l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes et du pays n’y suffiront pas pour faire barrage et contrecarrer leurs compétiteurs qui cherchent à percer nos lignes de défense, s’emparer de nos marchés et au final de nos emplois.
Ils auront besoin dans ce combat de l’implication et de l’engagement de tous. A commencer par l’Etat qui doit conduire les nécessaires réformes, alléger son dispositif procédurier, restaurer son autorité et rétablir la force de la loi républicaine. De cela, tous les intervenants doivent être conscients. La nécessité d’un électrochoc ne s’est jamais fait sentir de manière aussi pressante. A charge pour le gouvernement, les corps constitués, syndicat et patronat, d’assumer leurs propres responsabilités. Sans quoi, c’est le pays qui va décrocher pour toujours. Au risque de s’enfoncer irrémédiablement dans le déclin.