Ces derniers jours, le dinar tunisien s’est fortement déprécié face à ses principales contreparties. Il a de ce fait chuté de plus de 5% face à la monnaie unique durant les quinze dernières années- 1 euro était l’équivalent de 1,650 dinar en 2005 et 1,922 dinar en décembre 2010- contre 2,430 à ce jour. Quant au dollar, il s’échange actuellement à 2,149 dinars.
Face à cette situation, Moez Laabidi, universitaire et expert en économie, nous a exposé les raisons de la dépréciation du dinar, l’impact sur l’économie tunisienne et les solutions qu’il préconise.
La conjoncture actuelle se caractérise par l’essoufflement de la compétitivité tunisienne, la crise de la Zone euro qui est marquée par une baisse de la croissance résultant de la baisse des exportations tunisiennes vers l’Europe, ainsi que par le choc de la révolution qui a provoqué l’explosion du marché parallèle, la montée de l’insécurité et la fièvre revendicative.
Cette situation a provoqué, selon M. Laabidi, la dégradation des fondamentaux qui s’est traduite par un manque à gagner fiscal expliqué par un déficit budgétaire, une baisse des recettes touristiques et des IDE et une hausse des dépenses publiques.
S’ajoute à cela l’effet saisonnier, autrement dit la période de rapatriement des dividendes par les entreprises non résidentes.
D’autre part, le facteur le plus important de cette dépréciation est que la BCT a limité ses interventions sur le marché des changes pour défendre le dinar. Cette limitation s’ explique par la crainte de la BCT face à la baisse des réserves en devises en dessous du seuil habituel, soit à 100/90 jours d’importation. Ce qui pourrait générer un mouvement de panique.
Par ailleurs, le FMI a recommandé la dépréciation du dinar tunisien pour améliorer les exportations et freiner certaines importations. Il a, dans ce sens, limité l’intervention de la BCT à 150 millions de dollars.
Moez Laabidi a affirmé que le troisième facteur consiste dans le déficit de communication des hauts responsables des autorités monétaires. Prenant l’exemple du manque de professionnalisme autour de la question des faillites des banques et du débat suscité par l’initiative du Président de la République, il a déclaré que ce manque de professionnalisme et de visibilité dans le paysage politique plombe, selon ses termes, le climat des affaires et pousse le dinar à la baisse.
Quel impact sur l’économie tunisienne?
La dépréciation du dinar aura plusieurs impacts sur l’économie nationale. Au niveau du commerce extérieur, cette dépréciation impacte positivement les exportations dans la mesure où elle améliore la compétitivité-prix des produits tunisiens. Mais on ne peut pas espérer grand chose parce que notre premier partenaire européen est déjà en crise.
Elle va alourdir la facture des importations, notamment avec le prix du baril de pétrole qui est de plus en plus en baisse et la chute de 10% de la production des céréales.
Au niveau de l’inflation, la dépréciation du dinar génère de l’inflation importée qui finira par alimenter les revendications salariales. Sur le plan des dettes, elle impacte négativement les services de la dette, surtout durant 2016/2017, début du remboursement des échéances.
Evolution
L’expert a estimé qu’à court terme, le dinar peut se stabiliser avec l’entrée de la tranche des prêts du FMI et de l’UE, pouvant stopper la dépréciation.
A moyen et long termes, le trend baissier va reprendre, et ce, suite au retard enregistré dans l’avancement des réformes, au manque de fermeté pour faire face au secteur informel et au développement des discours populistes du côté de l’opposition et de certains membres du Gouvernement.
Dans le même sillage, le retour de la croissance dans la zone euro certes va impacter l’économie tunisienne, mais l’effet d’appréciation de l’euro va provoquer l’effet de dépréciation du dinar.
Quelles solutions pour sortir de la crise?
M. Laabidi a souligné que la BCT et le gouvernement doivent soigner leur politique de communication.
Le gouvernement doit également faire respecter la loi pour crédibiliser les actions publiques et pouvoir engager les réformes.
Au niveau de l’ARP, il faut débarrasser l’Assemblée des thèses populistes.
Au final, les syndicats doivent intégrer dans leur radar l’état des fondamentaux de l’économie et le nombre croissant des chômeurs diplômés pour laisser de la marge aux finances publiques, et ce, afin de pouvoir engager les réformes.