S’agissant d’une initiative politique, elle ne doit pas être vue forcément sous le prisme de la Constitution pour Jinan Limam, enseignante universitaire à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.
A peine a-t-il annoncé son initiative relative à la formation d’un gouvernement d’union nationale que juristes, analystes et hommes politiques ont commencé à la décortiquer. Jinan Limam considère qu’il s’agit d’une initiative politique qui ne se base pas sur la Constitution au sens stricte du terme.
« Je n’irais pas jusqu’à dire que le Président a outrepassé ses prérogatives ou qu’il a usurpé le pouvoir, après tout la Constitution de 2014 reconnaît au Président de la République le rôle de chef de l’Etat et qu’il est le symbole de son unité, le garant de son indépendance, la continuité de ses institutions… Il a donc un rôle moral et également un pouvoir discrétionnaire qui lui permet d’avancer des propositions outre le rôle attaché à sa fonction prévu par la Constitution. C’est dans ce cadre que cette initiative s’insère. Même si d’un point de vue juridique les prérogatives attribuées au chef du gouvernement sont plus importantes », explique-t-il
Pour elle, il est erroné d’affirmer qu’il s’agit d’une initiative anticonstitutionnelle parce qu’elle se base sur le consentement des acteurs politiques : « C’est en fait une alerte que lance le Chef de l’Etat pour mettre tous les acteurs politiques, qu’ils soient au pouvoir ou non, face à leurs responsabilités », précise-t-elle.
Par contre, poursuit-elle, si l’initiative en question vise le départ du gouvernement, le retour à la stricte application de la Constitution devient dans ce cas incontournable. Que prévoit donc la Constitution pour limoger le gouvernement en place ? Trois cas de figure, cite Jinan Limam : Le premier cas de figure, selon l’article 97 de la Constitution, concerne la motion de censure qui doit être présentée par un tiers des députés et le vote doit être à la majorité absolue (50+1). De plus, l’ARP est tenu de proposer un candidat en remplacement du Chef du gouvernement en place, et ce, le jour même du vote de la motion.
La démission du Chef du gouvernement est le deuxième cas de figure sachant que sa démission vaut celle de tout le gouvernement : « Si Habib Essid présente sa démission tout le gouvernement part et cela est conforme à l’article 98 de la Constitution ».
Le troisième cas de figure : le Chef du gouvernement est en droit de requérir un vote de confiance de la part de l’ARP. Le vote sera en sa faveur s’il est à la majorité absolue.
Le quatrième cas de figure et le dernier pour provoquer le départ du gouvernement est l’article 99 de la Constitution : « Dans ce cas, le Président de la République peut demander à l’ARP le vote sur la poursuite de l’action du gouvernement mais il n’a le droit de recourir à cette procédure uniquement deux fois pendant son mandat », explique notre interlocutrice.
Et de continuer : « C’est tout de même une procédure assez délicate et lourde de conséquences car admettons que, suite à la demande du Président de la République, l’Assemblée retire sa confiance et que ce dernier ne dispose pas de candidat à proposer en remplacement du Chef du gouvernement dissous, la charge de trouver un candidat qui puisse avoir l’aval de l’ARP incombera au Président de la République lequel devra se tourner vers les partis politiques ayant le plus grand nombre de sièges au Parlement et leur demander de proposer un candidat » .
Pour rappel, le Chef du gouvernement Habib Essid avait déclaré, récemment, qu’il n’envisageait pas d’interrompre son mandat.