L’économie mondiale n’a pas réussi à retrouver son rythme d’avant la grande crise de 2008. Croissance faible, accroissement des inégalités, un niveau de chômage élevé et l’ inflation, tels les sont les facettes d’une économie mondiale hantée par la déflation…
La situation de l’économie mondiale est probablement le plus important sujet de préoccupation pour les dirigeants de ce monde. Qu’il s’agisse des institutions multilatérales, comme le FMI, la Banque mondiale ou l’OCDE, ou bien des leaders du G20 ou du G7, l’état de notre monde, et surtout cette « stagnation séculaire », pour reprendre les termes de Larry Summers, ex-Secrétaire au Trésor sous Bill Clinton, dans laquelle se morfond l’économie mondiale est un motif d’inquiétude et d’appréhension. Il s’agit d’un monde marqué par une grande incertitude qui anéantit tous les espoirs et pourrait se transformer en une crise ouverte.
Et les signes de cet attentisme et de cette aversion sans précédent de la part des investisseurs au risque ne manquent pas. D’abord, il faut mentionner la faiblesse de la croissance depuis la grande crise financière de 2008. Les termes sont nombreux pour qualifier cette nouvelle période de croissance molle : « Croissance médiocre » pour Christine Lagarde, « Stagnation séculaire » pour Larry Summers, ou « New normal » selon l’économiste d’origine égyptienne, Mohamed Al-Arian. Mais, derrière cette pluralité de termes et de nouvelles notions, le constat est le même : la croissance mondiale est en panne. Les hypothèses ne manquent pas pour comprendre cette situation. Pour certains, comme Larry Summers, c’est la faiblesse de la demande mondiale qui explique la faiblesse de la croissance. Pour d’autres, comme l’économiste américain Robert Gordon, ce sont les nouvelles technologies qui sont au cœur de l’absence de la croissance dans la mesure où elles ne génèrent pas d’importants gains de productivité et n’entraînent pas une augmentation de l’emploi.
Nous traversons donc une nouvelle ère avec un monde sans croissance où la fragilité et l’anémie sont au cœur des dynamiques économiques. Cette situation est d’autant plus marquée aujourd’hui que les dernières poches et les rares locomotives qui ont continué à porter cette croissance après la grande crise de 2008 sont presque à l’arrêt. En effet, les pays émergents qui ont permis à l’économie mondiale d’éviter une plus grave récession au lendemain de la crise financière de 2008 connaissent de grandes difficultés. Le Brésil est englué dans une crise sans précédent, l’Afrique du Sud et la Russie font face à l’impact d’une chute inédite des cours des matières premières, la Chine est en pleine transition vers un nouveau modèle de croissance. Seule l’Inde parvient à maintenir un rythme élevé de croissance. Ce ralentissement des émergents ne fait que renforcer la fragilité de la croissance globale.
Un autre motif d’inquiétude concerne la montée des inégalités. Cette question est au centre des préoccupations des institutions internationales comme le FMI ou l’OCDE et beaucoup d’économistes font le lien entre la croissance et sa fragilité structurelle et les inégalités. L’importance de cette question explique le succès du livre de Thomas Piketty, «Le capital au 21ème siècle » et d’autres publications et ouvrages sur les questions des inégalités. Cette montée des inégalités s’explique par l’avènement de nouveaux secteurs, notamment dans les nouvelles technologies, la libéralisation financière ainsi que le recul de la redistribution effectuée par les pouvoirs publics. Parallèlement à l’augmentation des inégalités, il faut aussi mentionner la montée du chômage et de la marginalité qui sont au cœur des mouvements sociaux dans les pays développés comme « Nuit debout en France ».
La nouvelle financiarisation et l’exubérance retrouvée sur les marchés financiers sont un troisième motif d’inquiétude des dirigeants internationaux sur la situation de l’économie mondiale. Cette financiarisation s’explique par la politique monétaire expansionniste mise en place par la plupart des Banques centrales et notamment les politiques de « quantitative easing » afin de relancer la croissance. Or, ces nouvelles ressources devant la frilosité des investisseurs ont bénéficié à la sphère financière et sont à l’origine d’une nouvelle bulle financière qui devient un important motif d’inquiétude.
Il faut aussi indiquer la faiblesse de l’inflation et la difficulté de la faire repartir en dépit de toutes les politiques mises en œuvre et particulièrement de l’expansionnisme monétaire des Banques centrales. Il s’agit d’une ère nouvelle que l’économie mondiale a rarement connue par le passé. Cette situation n’encourage pas les investisseurs et pousse tous les acteurs économiques à reporter leurs projets d’investissement ou de consommation vers des jours meilleurs.
Ainsi, les motifs d’inquiétude ne manquent pas quant à la situation de l’économie mondiale. La croissance est en berne de manière structurelle, les inégalités ne cessent de grimper, la sphère financière a repris des couleurs et l’inflation est désespérément basse. Mais, ce qui est encore plus inquiétant ce sont les politiques économiques attentistes. En effet, les politiques monétaires accommodantes ont montré leurs limites et le monde attend une politique de relance que les grands pays ont du mal à mettre en place, particulièrement dans les nouveaux secteurs, notamment les nouvelles technologies et la transformation technologique ainsi que les grands chantiers écologique et énergétiques. Un attentisme qui trouve ses origines dans le conformisme ambiant qui réfute toute prise de risque.
L’économie mondiale a aujourd’hui besoin d’un nouveau départ qui passe par la sortie du conformisme pour se donner une nouvelle ambition capable de porter la croissance globale et d’ouvrir une nouvelle ère de prospérité mondiale et un nouveau modèle de développement plus inclusif et soutenable.