L’initiative présentée par le Président de la République, Beji Caïd Essebsi, en faveur d’un gouvernement d’union nationale et sa mise à l’ordre du jour, d’un changement du chef de gouvernement, devait obtenir l’accord du titulaire du poste, pour se réaliser par consensus.
Non consulté, Habib Essid affirme qu’il n’envisage pas de présenter sa démission : ‘‘Je ne fuirai pas devant mes responsabilités… Ma démission provoquerait un vide, qui affaiblirait l’Etat, qui fait face aux défis et aux difficultés… En cette période, le rôle du gouvernement est désormais d’assurer le bon déroulement des élections municipales et la promotion du plan quinquennal à travers une grande conférence internationale en novembre prochain’’ (Entrevue accordée par le chef du gouvernement, Habib Essid à Mondher Bidh – Dhiafi, correspondant du journal Al -Arabiya, publiée lundi 13 juin 2016).
Il a réitéré que le chef de l’Etat ne lui a pas demandé de démissionner et rappelé qu’il y avait de multiples scénarios prévus dans la Constitution pour la démission du gouvernement. Habib Essid aurait, sans doute, confirmé sa position, lors de son entrevue avec le président de la République, le jour même.
Rappelons que le choix de Habib Essid, comme chef du gouvernement, par Béji Caïd Essebsi, en tant que président de NidaTounes, écartant les dirigeants de son parti, s’inscrivait dans son souci de former une coalition gouvernementale, dirigée par une personnalité au-dessus des partis. Son éventuel écartement constituerait un pari, vu la situation d’urgence. Des opposants évoquent un « acte gratuit », alors que son « baromètre de confiance, d’après les réseaux sociaux » reste élevé (Mondher Bidh-Dhiafi, al-Arabiya, 13 juin 2016).
D’ailleurs, le nouveau président du Conseil de la Choura d’Ennahdha, désormais le premier parti au parlement, a souligné que son mouvement n’a pas appelé au changement d’Habib Essid (entretien d’Abdelkarim Harouni, 13 juin sur les ondes d’Express Fm). Prompts à évoquer des interventions extérieures, des analystes tentent vainement de rechercher les auteurs de la proposition du gouvernement d’union nationale et ceux qui auraient recommandé le refus de démission. La politique tunisienne serait alors un jeu de dupes, thèse peu crédible.
Dans ce cas, de refus de démission et de demande par le Chef du gouvernement d’un vote de confiance de la part de l’ARP, le recours à une motion de censure serait nécessaire. Elle doit être présentée par un tiers des députés et le vote doit être à la majorité absolue (50+1). De plus, l’ARP est tenue de proposer un candidat en remplacement du Chef du gouvernement en place, et ce, le jour même du vote de la motion (article 97 de la Constitution).
Or, l’establishment de Nidaa Tounes perdrait sa crédibilité en refusant la confiance au chef de gouvernement qu’il a proposé, aux ministres de son parti et de ses partenaires de la coalition gouvernementale. D’autre part, un compromis dans les coulisses serait difficile à réaliser, vu le marchandage qui peut avoir lieu. Les partis de la coalition souhaitent réviser, en leur faveur, la répartition gouvernementale. Ennahdha demande une participation gouvernementale en rapport avec le nombre de ses députés.
Peut-on évoquer une crise constitutionnelle, ou plutôt une simple crise politique conjoncturelle ? Le maintien du chef de gouvernement pourrait dissiper la tension et permettre un remaniement ministériel, sous sa direction, réduisant le nombre de ministres et faisant appel à un grand gestionnaire, pour diriger l’économie et les finances.