« L’ONU estime qu’on pourrait réduire de 150 millions le nombre de personnes souffrant de la faim au monde et augmenter de 4% la production agricole si les femmes rurales avaient un meilleur accès aux technologies innovantes et non-destructrices de l’environnement. Pour cela, il faudrait que ces femmes aient accès au savoir technologique et qu’elles fassent connaître leur savoir-faire que nous ne connaissons pas encore assez », a plaidé Soukeina Bouraoui, Directrice exécutive du Centre de la Femme Arabe pour la Formation et la Recherche à l’occasion du lancement de l’initiative GE.MAI.SA, sur l’autonomisation des femmes rurales.
Sous l’égide du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, cet événement représente un sérieux tournant dans l’avenir économique et social de la femme rurale. Dans son allocution, la ministre, Samira Merai, dresse un bilan acerbe de la situation de la femme rurale.
« 32,4% des femmes tunisiennes sont rurales et occupent le rôle principal dans la sécurité alimentaire de leur communauté. Dans un contexte économique morose, le secteur agricole représente le premier levier d’emploi de la femme rurale en Tunisie. Bien qu’elle soit un pilier économique dans le milieu rural, ses conditions de travail demeurent précaires et en deçà des attentes.
« Seulement 19,3% de femmes rurales possèdent un revenu fixe », regrette Samira Merai. Malgré toutes ces difficultés, la femme rurale est omniprésente dans tout le secteur productif. En effet, elle représente 79,9% du total de la main-d’œuvre saisonnière et 14,2% de la main-d’œuvre permanente avec plus de 14 heures de travail par jour.
Sa contribution dans la sécurité alimentaire est de 85%. « Son analphabétisme la fragilise et elle endosse le rôle de victime de violence économique dans son milieu de travail. Elle est exploitée et dépossédée de tous ses droits de travail. Sa représentativité demeure faible voire insignifiante et les indicateurs de sa contribution dans le développement économiques sont indéterminés voire indisponibles », déplore la ministre.
Toutes les parties prenantes s’accordent à dire que la femme rurale, ce réservoir de persévérance et de détermination, a besoin de plus d’appui et de soutien. Il faudrait trouver une nouvelle forme de soutien innovante.
L’initiative GE.MAI.SA répond tout à fait à cet objectif. Selon Soukeina Bouraoui : « Ce sont ces expériences de femmes rurales et ces voix de femmes rurales que nous voulons capitaliser dans ce projet ».
C’est le fruit d’une coopération entre le Centre de la Femme Arabe pour la Formation et la Recherche (CAWTAR), le Centre International des Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes de Bari (CIHEAM) et l’Agence Italienne pour la Coopération au Développement. C’est un projet unique en Méditerranée et dans le monde arabe.
Trois mots clés décrivent ce projet : intégration, synergie et durabilité. « Une plateforme qui sera ouverte à toutes les bonnes pratiques car les expériences sont les meilleures conditions d’un développement pour les femmes et pour les hommes de la Méditerranée », explique Soukeina Bouraoui.
L’une des composantes de GE.MAI.SA est la plateforme « Femmes rurales ». Il s’agit d’un espace multidisciplinaire interactif visant à renforcer les moyens nécessaires pour soutenir la femme rurale dans la promotion de son avenir économique et social. Cette plateforme dépasse les frontières tunisiennes pour s’élargir sur d’autres pays en l’occurrence le Liban et l’Egypte.
Le premier espace pilote est déjà ouvert à Zarzis. Selon Mme Maria Gracia Roggerini, coordinatrice du projet, il s’agit d’un guichet unique ouvert tous les jours pour répondre à toutes les demandes des femmes rurales.
« Nous répondons à toutes les interrogations juridiques professionnelles ou personnelles. Nous avons déjà commencé une formation sur le thème « Accès aux crédits » et autre formation afin d’aider la femme à augmenter ses propres revenus. Nous œuvrons également à soutenir les femmes rurales dans l’amélioration de leurs conditions de travail dans la collecte des palourdes. 300 femmes sont concernées par ces mesures », a-t-elle ajouté.
Afin d’inscrire ce projet dans la pérennité, un réseau a été mis en place sur tout le territoire avec la collaboration d’un plus grand nombre d’associations implantées dans les différentes régions. Un réseau de partenariat qui donnera plus de soutien à ce projet et à d’autres.