La théorie du grand remplaçant peut-elle sauver le pays d’un scénario à la grecque ? Pis encore, phénomène englobant, la crise tunisienne concerne les volets économique, social et sécuritaire.
L’initiative en faveur d’un gouvernement d’union nationale pourrait ébranler la stabilité politique, puisqu’elle fait valoir le déséquilibre des pouvoirs, entre la présidence, le gouvernement et le parlement. La demande de démission du chef du gouvernement, utilisant cette arme asymétrique, est certes légitime. Mais le débat entre les acteurs, qu’elle met à l’ordre du jour, a créé l’opportunité d’un rééquilibrage du jeu politique, entre les partis, au sein du pouvoir et de l’opposition. Fait d’évidence, il rappelle que les deux organisations syndicales, l’UGTT et l’UTICA, ne peuvent rester en marge de l’Establishment, lors des prises de décision.
Fait plus grave, le déséquilibre entre les attentes des citoyens et la position des dirigeants des partis : le microcosme politique tunisien occulte désormais les enjeux sociaux et même le choix du projet de société, que l’opinion publique ne cesse de rappeler, en exprimant la nostalgie bourguibienne et en défendant les grands acquis. Le débat actuel pour la formation d’un gouvernement d’union nationale pourrait-il réconcilier les acteurs politiques et les citoyens ? L’UGTT est sans doute soucieuse du pouvoir d’achat, de la précarité et du chômage, alors que l’UTICA fait valoir les conditions d’un redressement économique, par l’établissement d’un environnement favorable à l’investissement. Les partis politiques tunisiens devraient se mettre à l’écoute des vœux de ces deux organisations et tenir compte des analyses de leurs experts. La crise tunisienne doit rappeler les enjeux et définir la stratégie susceptible de répondre aux défis.
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Pragmatiques et plutôt tacticiens, les partis politiques ne réalisent pas que nous nous orientons vers un conflit social long et tendu. La conjoncture de la formation d’un gouvernement d’union nationale ou plutôt d’un remaniement ministériel, incluant un grand gestionnaire, pour diriger l’économie, devrait permettre un rappel à l’ordre, un retour au travail, une dénonciation de la corruption et une exclusion de la scène politique des pseudo-rentiers, des aventuriers et des intrigants. Les revendications actuelles des partis concernent plutôt des guerres de sièges et non des débats sur les priorités d’une feuille de route. Fait surprenant, les partis s’évertuent à remettre en cause les compétences.
D’ailleurs, ces partis vivent une grave crise politique, qui bloque leurs horizons. Nidaa Tounes, le premier parti, lors des élections de 2014, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il est affaibli par sa renonciation à son programme fondateur et par l’écartement unilatéral de ses fondateurs. Ennahdha est certes dans une meilleure position. Mais sa conversion politique est laborieuse. Les autres partis de l’alliance gouvernementale, qui ont profité de la conjoncture électorale pour émerger, ont une présence symbolique sur le terrain. La gauche peine à faire valoir son projet de gouvernement, pour mettre en application un diagnostic hélas partagé. La société civile tunisienne pourrait-elle, à l’appui de l’UGTT et de l’UTICA, constituer le salut du pays ?