L’incertitude règne. Le gouvernement d’union nationale verra-t-il le jour ? Qu’en pense l’opposition ? Rencontré à l’ARP, Zied Lakhdhar, député du Front populaire dresse l’état des lieux de la situation actuelle. Interview:
leconomistemaghrebin.com: Que pensez-vous de l’évolution stratégique qu’a lancée le président de la République à propos de la formation du gouvernement d’union nationale qui a donné lieu à des avis mitigés entre les pour et les contre?
Zied Lakhdhar : Il est vrai que nous passons par une crise globale aussi bien sur le plan économique que politique. Ce qui induit à lancer une action urgente pour une sortie de crise. Mais encore faut-il déterminer avant tout quelles sont les priorités? Lutter contre le terrorisme, lutter contre la corruption, les réformes sur l’enseignement et la santé, le chômage des jeunes qui s’accentue de plus en plus. Sur ces priorités, tout le monde est d’accord. Cela dit, nous estimons qu’il y a un manque de concordance pour aller vers une nouvelle composition d’un gouvernement d’union nationale à l’heure actuelle.
Et là on se demande pourquoi : pour la simple et bonne raison que le Chef du gouvernement a des obligations ; il a fait passer des lois telles que la loi bancaire, qui vise à libéraliser notre économie, conformément aux directives du FMI. La question cruciale est de savoir comment allier un plan de sauvetage économique à ces directives, à savoir instaurer un programme d’ajustement structurel. D’un autre côté, cette démarche lancée par le président de la République a remis sur le tapis la réconciliation économique et financière, la trêve sociale, afin de mettre fin au sit-in devant les lieux de production comme celui du phosphate de Gafsa.
En fait, la démarche du président a pour objectif de faire passer le programme du Quartet des partis politiques, en faisant participer en même temps l’opposition, l’UGTT et l’UTICA et les soumettre à des engagements dans l’unique but de freiner les revendications, et de ce fait élargir la base du pouvoir.
La crise est-elle profonde? Et comment s’en sortir?
Il s’agit d’une crise de choix, une crise politique avec un gouvernement très faible, une coalition des partis au pouvoir non unifiée, sans coordination effective entre eux.. Un gouvernement qui ne répond pas aux attentes des Tunisiens après le 14 janvier. Pour s’en sortir, il faut qu’il y ait une feuille de route, un plan d’action sécuritaire, économique et social.
Qu’en est-il du dossier de Chokri Belaïd ?
Le dossier de Chokri Belaïd se trouve dans une situation très complexe. Il y a une volonté d’en finir au plus vite avec ce dossier. En somme, ils ne veulent pas qu’on sache quelle sphère politique est mêlée dans cette affaire, idem pour Mohamed Brahmi et Lotfi Naguedh.Ils veulent à tout prix que la vérité ne soit jamais révélée , qu’on ne sache pas qui sont les vrais commanditaires.
Mais ce qui est plus inquiétant, c’est la libération de Abdelarim Laâbidi, alors que les accusations sont dirigées contre lui.
En parlant d’observateurs étrangers qui suivront le procès du dossier Chokri Belaïd.
Jusque-là, il n’y a pas eu d’observateurs, mais dorénavant ils seront présents pour pouvoir vérifier si tout se passe normalement.
Au cas où un gouvernement d’union nationale verrait le jour, est-il vrai que le Front populaire compte obtenir les trois ministères régaliens, à savoir le ministère de la Justice, de l’Intérieur et celui des Finances?
En effet, étant donné que plusieurs dossiers sont encore en suspens telle l’affaire des associations suspectées d’être liées au terrorisme, sans parler du dossier Chokri Belaïd. Ce sera l’occasion pour leur faire connaitre un dénouement.
Quel programme proposez-vous pour une sortie de crise?
Notre programme est celui que nous avions exposé lors du Dialogue national.
Que va-t-il se passer à présent, le Chef du gouvernement compte-t-il démissionner ?
Il faut se rappeler que le parti Nidaa Tounes, vainqueur des élections législatives, a nommé Habib Essid. Il est clair que si le président de la République a opté pour la formation d’un gouvernement d’union nationale, cela veut dire que pour lui la légitimité de ce gouvernement a pris fin. Or Nidaa Tounes n’est plus le parti majoritaire à l’ARP, et c’est bien Ennhadha qui se trouve au premier rang. Est-ce que Habib Essid démissionnera ? Je pense que oui, d’autant plus que je ne pense pas qu’Ennahdha lui accorde son soutien.
Faut-il un gouvernement de guerre comme on entend parler plus souvent de la part des politiciens?
Je pense que non, mais le prochain gouvernement sera un gouvernement politique qui a une vision. Le nouveau chef du gouvernement n’est pas tenu d’être chef de parti et ni technocrate non plus. Il va falloir trouver la bonne formule.