Face à une situation d’incertitude, de crise économique ainsi que politique, la question de la sécurité devient importante aujourd’hui. Or dans une Tunisie qui se cherche ou qui s’interroge sur elle-même après le 14 janvier, la réforme de l’appareil sécuritaire doit être menée à la lumière de nombreux défis auxquels il devrait faire face aussi bien dans son environnement extérieur que dans sa structure interne.
A tort ou à raison, l’argument que les militaires et les policiers devraient-ils participer au processus électoral, selon lequel, comme dans beaucoup pays démocratiques l’inscription est obligatoire, comme fut le cas en Allemagne ( à partir de 1956). C’est autour du débat ayant pour thème “ le policier est-il un citoyen comme les autres », organisé par l’Observatoire Tunisien de la sécurité globale en collaboration avec la fondation Hanns Seidel, que les discussions sont lancées.
Pourquoi est-ce important? Sur cette question Jamil Sayah, professeur en droit public à l’université de Grenoble et président de l’OTSG, a indiqué: « On leur demande d’être présents pour défendre l’Etat, défendre la démocratie, or lorsqu’on avance un peu dans la composition de la citoyenneté, notamment dans le droit de vote, ils se retrouvent dépourvus de la matrice de la citoyenneté. C’est à partir de là l’importance de faire un diagnostic sur les raisons de ce blocage : est-il structurel ou culturel? S’il est culturel, parce qu’effectivement, il y a une tradition dans un pays non démocratique, on a peur de la police et on veut faire uniquement un instrument de répression, et là on se retrouve dans une tradition qui est dépassée, ou un pays que se pluralise et devient démocratique, une opinion publique qui s’exprime. Et de ce fait, on n’a pas le droit dans une démocratie apaisée de le priver de la possibilité de choisir ».
Parmi les solutions, M. Sayah, penche sur le droit de légiférer par étape et la possibilité d’expérimenter les choses. Il précise: « Dans toute démocratie avancée, on peut envisager le droit de vote au niveau local pour les policiers, pour un ou deux mandats, et faire le bilan après. Si on voit qu’il y a eu un débordement ou manipulation, on peut arrêter les frais. Mais l’heure actuelle est à la généralisation du droit de vote et donner leur la possibilité d’être de vrais citoyens pour défendre la citoyenneté ».
Cela dit, la question essentielle abordée comprend la méfiance de la classe politique vis-à-vis des policiers. « Je trouve aujourd’hui que c’est injuste », a-t-il commenté, soulignant un paradoxe d’une double méfiance qui transcende les courants politiques. « C’est à dire les opposants ou les partis majoritaire ont des avis différents. Aujourd’hui, le mouvement comme Ennahdha s’oppose parce qu’elle pense que la police peut être manipulée par l’ancien régime ou par la gauche. Quant à cette dernière, elle estime que la police est un instrument de l’ancien régime et qu’il faut se méfier. Il y a aussi la troisième catégorie, c’est à dire, les anciens qui à une époque on leur a refusé le droit de voter. Du coup, cela crée un phénomène de rejet. Or ce qu’il faudrait faire serait de décider d’une manière intelligente et ouvrir le débat ».
Cependant le débat a porté sur la citoyenneté en interrogation. Nabil Smida, chercheur politique à l’Observatoire tunisien de la sécurité globale OTSG, a mis l’accent sur un point de départ: « les policiers sont des citoyens comment les autres ». La réponse est évidente d’après lui: « On doit les considérer comme des fonctionnaires et surtout des citoyens, le fait de participer à la vie publique, même si certains pensent que ça touche à la neutralité, qui peut avoir plusieurs définitions: la neutralité dans le sens pas de politisation, pas de prise de position partisane, dans l’administration et là c’est une contrainte à tous les fonctionnaires, y compris les policiers. Je pense que tout le monde a des choix, des opinions et exercer un métier ».
Il ajoute : « Je ne pense pas qu’un agent de la police, le fait qu’il exprime un vote, peut nuire à l’administration. Bien au contraire, je pense que ça renforce le lien par rapport à l’Etat, ça consolide l’engagement ainsi que la citoyenneté ».
Comment expliquez-vous cette méfiance de la sphère politique, qu’elle soit de l’opposition ou du gouvernement. « Ceci on peut le définir comme un réflexe de conservatisme, la peur de changement », estime-t-il.
Selon lui, le monde moderne va dans le sens du changement. Citant les pays démocratiques tels que les pays européens où toutes les nouvelles démocraties ont choisi la voix de faire participer les agents de l’appareil sécuritaire, parce qu’il considère que cela renforce la démocratie: ça donne plus de maturité, ça leur engage et ça leur responsabilise et c’est très important on aura des agents de l’appareil sécuritaire des citoyens les plus normaux.
Présente lors du débat, Leila Chettaoui, députée du parti Nidaa Tounes, « une bonne partie des députés voteraient favorablement pour un droit de vote aux forces sécuritaires, mais pas aux militaires », a-t-elle indiqué. Or la vraie question comment ancrer la citoyenneté pour qu’elle soit davantage mise en pratique, et responsabiliser. mais aussi de notion de combiner les deux.
Elle conclut : « Je pense que nous allons certainement arriver à un consensus sur le droit de vote au niveau des élections locales donner aux forces sécuritaires ».
Quant à la question “Le policier a-t -il le droit de voter ?”, le débat ne fait que commencer.