La Tunisie vit une conjoncture d’incertitude. La proposition du Président de la République, de former un gouvernement d’union nationale et éventuellement d’opérer un changement de chef de gouvernement (TV, Wataniya 1, 2 juin 2016), a bouleversé le paysage politique et stoppé l’activité du pouvoir.
Habib Essid est implicitement désavoué par le Président, qui l’a lui-même choisi. Les difficultés rencontrées par le gouvernement de la coalition : question sécuritaire, redressement économique différé, pesanteur sociale, en conséquence (précarité, chômage), etc. sont évidentes. Mais il faudrait faire porter la responsabilité au premier ministre, dont le gouvernement a été le produit d’un accord entre les acteurs politiques officiels (les partis de la coalition, la présidence et le chef du gouvernement)?
La proposition de la présidence nécessitait une clarification, fut-ce au prix d’une rupture! D’autre part, elle impliquait la reconstruction d’un compromis, entre les partis de la coalition, fut-ce au prix de l’ambiguïté! La dissonance au sommet de l’Etat a conforté le climat d’inquiétude, de désillusion et de colère, vu l’occultation des attentes sociales et les suggestions du ministre des Affaires sociales de réduire les pensions et de transgresser les accords avec la centrale syndicale.
Le diagnostic présenté par le Président de la République est largement partagé, en dépit de la compréhension manifestée à l’égard du chef du gouvernement actuel. La plupart des partis et des organisations ont ménagé le chef du gouvernement. Pouvait-il influer sur le cours des choses, alors qu’il était paralysé, par son propre camp? Rappelons que les ministres font partie d’un collectif politique. Leurs décisions sont prises en commun, suite à des débats. Or, le gouvernement actuel ne ressemble pas à une équipe de combat, solidaire et cohérente, pour engager les réformes d’envergure nécessaire.
Position de surenchère, Nidaa Tounes, affaibli par l’éloignement de tous ses fondateurs, s’autoproclame grand acteur. Sa direction de fait se mobilise pour organiser une campagne, contre le chef du gouvernement, avec l’appui de ses ministres, membre de Nidaa. Ont-ils perdu de vue que le changement impliquerait une prise de distance et un désaveu de l’ensemble du gouvernement, qui a œuvré, sans feuille de route et sans vision d’avenir. D’ailleurs les contestataires, au sein ou désormais, en dehors du parti squelettique, ont rejeté catégoriquement ce diagnostic.
Fait désormais acquis, le changement du gouvernement est à l’ordre du jour. Une feuille de route devrait en constituer le préalable. Elle devrait résulter, avant tout, de l’accord de l’UGTT et de l’UTICA. Le Front populaire, ne peut être occulté, vu l’audience acquise lors de cette conjoncture contestataire. Bien entendu, la consultation devrait concerner les choix des ministres, quelques hommes d’Etat et de grands gestionnaires compétents.
Pourrait-on opter pour une équipe réduite, alors que l’annonce d’un gouvernement d’union nationale a suscité des candidatures, des repositionnements et des marchandages? Le nouveau gouvernement devrait être perçu comme une mesure de salut public. Un mécontentement général pourrait mettre à l’ordre du jour une explosion sociale.
Peut être faudrait-il d’abord résoudre la crise de Nidaa Tounes, pour reconstituer son statut de parti de la modernité, assurer sa reconstruction et éloigner tous les acteurs des dérives et du fractionnement.