L’atrocité et la sauvagerie du dernier crime perpétré au centre ville de Tunis (un chauffeur de taxi a poignardé un client âgé de 19 ans avant de quitter les lieux) donne à penser que le taux de criminalité est en hausse dans le pays et que le Tunisien n’est pas le citoyen calme, tolérant et doux, comme on a tendance à le dire souvent.
Le sociologue et président de Social Science Forum, Abdelwahab Hfaiedh, nous livre sa pensée sur le crime et la violence en Tunisie.
Pour le sociologue, on ne parle pas de personnalité violente ou d’autres calmes et moins violentes. Il s’agit plutôt de circonstances qui pourraient faire surgir la violence qui est en chacun de nous, indépendamment du type de personnalité. Il faudrait alors s’interroger sur le « contexte dans lequel la personnalité bascule vers la violence ».
Le sociologue a considéré que le contexte général de la Tunisie après 2011 n’a pas créé une nouvelle situation mais a permis à certains aspects d’être plus clairs. Et d’affirmer que ce qui a changé, c’est le fait que la violence est devenue visible grâce aux moyens technologiques : « Il n’y a plus de violence cachée », affirme-t-il. Dans le même contexte, il a indiqué l’existence d’autres raisons subjective et objective de la violence et du crime.
Le premier facteur est lié à la crise économique que connaît le pays et dont les répercussions influent sur les ménages et les entreprises.
Maisce n’est pas uniquement cela; d’après notre interlocuteur le Tunisien a eu un déclic : « Certaines catégories sociales sont convaincues que la loi ne permet plus d’accéder à ses droits, il faut donc se faire justice soi-même », explique-t-il. De même, la violence pourrait également s’expliquer comme une réaction suite à un sentiment d’injustice ».
Revenant sur le crime d’hier, le sociologue a estimé que ce crime a révélé un élément dont les gens évitent de parler, à savoir les formes implicites et explicites de corruption, puisqu’il s’agit d’un fonctionnaire qui exerce un métier en parallèle de son métier d’origine.
Il a rappelé que la violence et le crime ne sont pas nouveaux, étant donné que plusieurs Tunisiens à l’origine d’actions terroristes dans le monde : attentat de Madrid, attentat de Paris et l’assassinat de Chah Massoud…« Tout cela pour dire que la violence n’est pas apparue subitement et qu’elle existait bel et bien avant 2011 », précise-t-il.
Pour Abdelwahab Hfaiedh, nous avons besoin de courage et de perspicacité afin de « comprendre ce qui se passe dans la tête des Tunisiens et si nous ne réfléchissons pas d’une façon mûre afin de trouver une réponse adéquate à cette question, nous ne cesserons pas d’accuser la colonisation et/ou ce qui s’est passé en 2011. Il faut savoir pourquoi le Tunisien est le plus impliqué dans le crime organisé et la violence », dit-il.
Le danger réside dans le fait que la violence se transforme en crime organisé en Tunisie : « Nous n’en sommes pas encore à ce stade, mais la banalisation de la violence donne une impression que ces pratiques sont encouragées par certaines personnes », conclut-il.