Rencontrée lors d’une table ronde organisée par l’Observatoire tunisien de la sécurité globale, Leila Chettaoui, députée du parti Nidaa Tounes, fait un état des lieux de la situation que vit le pays. Le gouvernement d’union nationale fera-t-il l’unanimité? Quelle sera sa feuille de route et son programme? Interview :
leconomistemaghrebin.com : Quel bilan faites-vous du gouvernement Essid?
Leila Chettaoui : Si on revient à quelques mois en arrière, d’une part, nous avons un gouvernement constitué de plusieurs ministres, proposés par le parti vainqueur des législatives de 2014, un gouvernement au demeurant dépourvu de feuille de route et sans un programme consensuel; et d’autre part, nous avons un chef de gouvernement non issu d’un parti, qui est un candidat consensuel qui a reçu l’aval de Nidaa Tounes. Mais en même temps, ce gouvernement ne reflète pas de manière concrète le programme de Nidaa Tounes. En somme, un gouvernement hybride qui nous a concocté un programme hybride qui ne mène nulle part.
Que pensez-vous du Chef du gouvernement?
Le chef du gouvernement actuel est comme un chef d’orchestre sans partition. Or, pour avoir le bon chef d’orchestre, le plus important à mon sens est qu’il ait la bonne partition, ce qui manque aujourd’hui. C’est quelqu’un capable de rassembler, de bien communiquer, mais surtout qu’il ait une vision capable de faire rêver. En définitive, nous voulons un homme courageux, il doit avoir le courage d’imposer ses idées, qu’il puisse avoir au-delà de la sympathie, la capacité de transmettre des ondes positives. Malheureusement, tout cela a manqué à ce gouvernement.
Selon vous le gouvernement Essid a donc échoué?
Je dirais que ce gouvernement avait réuni toutes les conditions pour échouer. Pouvait-il en être autrement avec des ministres issus de partis différents et qui n’arrivent pas à coordonner des actions? Avec en plus une conjoncture économique et sécuritaire des plus difficiles, il avait tout pour ne pas réussir. C’est déjà un miracle qu’on puisse s’en sortir avec moins de dégâts. Aujourd’hui, il faut absolument agir. Il faut absolument trouver les bonnes conditions au plus vite.
Quel est le bon profil?
Au-delà du bon profil, il faut parler d’un programme et c’est la raison pour laquelle les parties prenantes sont en train de se réunir sur des priorités sur lesquelles nous sommes tous d’accord.
Quelles sont donc ces priorités?
On parle de priorités économique et sécuritaire. Et dans la priorité économique, il y aura certainement une décision à prendre, au niveau du pouvoir d’achat, c’est à dire qu’il va falloir stabiliser les prix, lutter contre l’économie parallèle, s’attaquer à la corruption.
Quelle serait, selon vous, la solution pour lutter contre l’économie parallèle?
D’abord, il va falloir appliquer la loi. Aujourd’hui, permettre à des marchands ambulants de vendre leurs produits devant des magasins qui paient leurs impôts et leurs cotisations à la CNSS est inadmissible. Il va falloir trouver d’autres solutions pour ceux qui sont dans le marché parallèle, leur trouver une alternative telle que la création d’une zone franche pour les regrouper.
Sur le plan de la fiscalité, au niveau des frontières, il faudrait qu’il y ait une codification douanière. Il faut revoir les importations de luxe et diminuer l’importation de certains produits. En tant que députée, je me dis qu’il faut investir dans les transports plutôt que d’importer des voitures. Il va falloir changer notre stratégie politique. Il faut qu’on arrête de sacrifier au populisme et être franc avec le citoyen. Il va falloir qu’il y ait cette franchise, qu’elle soit partagée, que ce soit une ligne de conduite générale de ce gouvernement. Le mot d’ordre de ce gouvernement : du courage!