L’endettement des communes est un phénomène caractéristique des finances des communes tunisiennes, mais peu de documents évoquent cela, ce qui peut être expliqué en partie par la faiblesse du secteur des finances locales qui ne représente que 4 % des finances publiques.
Les dettes ou arriérés de dépenses publiques sont des obligations financières d’une commune dont le paiement n’a pas été effectué à l’échéance. Les impayés peuvent être nés d’une obligation légale, ou d’un engagement contractuel bien précis (le paiement de la construction d’une route, par exemple), ou la continuité de la prestation d’un service (tel que le paiement de l’alimentation électrique).
On distingue plusieurs conséquences économiques dues à l’ accumulation chronique d’arriérés par les communes et on peut citer à titre d’exemple :
- Un ralentissement de la dynamique économique locale. En effet, les arriérés posent un problème de liquidité, qui peut avoir un effet préjudiciable sur la pérennité des PME qui constituent la majeure partie du tissu économique local. Si les entreprises sont tributaires des contrats du secteur public local, les arriérés de paiement peuvent interrompre ou retarder l’activité, entraînant un ralentissement de l’activité économique et une hausse du chômage.
- Une inflation dans les prix des prestations de services : les fournisseurs des communes tentant d’atténuer les risques et le coût d’opportunité des retards de paiement en ajustant leurs prix à la hausse, ce qui réduit l’efficacité des dépenses publiques et contribue à créer une inflation dans l’ensemble de l’économie.
- Une perte de confiance dans la gestion publique : les fournisseurs pouvant être incités à ne pas s’acquitter d’une partie ou de la totalité du paiement des impôts et des contributions de sécurité sociale avant d’avoir reçu, à leur tour, ce que l’État leur doit.
Diagnostic de la situation d’endettement des communes tunisiennes
En se basant sur un rapport de synthèse intitulé « Diagnostic exhaustif de la situation d’endettement des communes tunisiennes : Fin 2014 », élaboré par la Direction générale des collectivité locales, la dette globale des communes, à la fin de l’année 2014, se chiffre à 136,7 MD, ce qui représente 18% des recettes ordinaires réalisées du titre I chiffrées à la même date à 740,1 MD. Bien que ce taux paraisse acceptable, il ne reflète cependant pas la situation de toutes les communes. En effet :
- 66 communes, représentent 31,5% des communes endettées, dont la dette globale représente 91% des recettes du titre I réalisées;
- 39 communes, représentent 18,5% des communes endettées, dont la dette globale représente 33% des recettes du titre I réalisées;
- 23 communes représentent 11% des communes endettées, dont la dette globale représente 16% des recettes du titre I réalisées;
- 82 communes représentent 39% des communes endettées, dont la dette globale représente 4% des recettes du titre I réalisées.
Selon un classement par type de créancier, le stock de la dette des communes tunisiennes à fin 2014 envers le secteur public est de l’ordre de 126,1 MD soit 92,2% de la dette globale. Le stock de la dette de la même période envers le secteur privé vaut 10,6 MD soit 7,8% de la dette globale.
Le stock de la dette des communes tunisiennes envers le secteur public est composé comme suit :
- Dettes auprès de la Caisse des prêts et de soutien aux collectivités Locales : 75,5 MD soit 60% de la dette du secteur public;
- Dettes auprès de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz : 24,7 MD soit 19,6% de la dette du secteur public;
- Dettes auprès de la Société nationale d’exploitation et de distribution de l’eau : 10,2 MD soit 8% de la dette du secteur public;
- Autres dettes publiques : 15,7 MD soit 12,4 % de la dette du secteur public.
Durant la période 2008-2014, l’endettement des communes tunisiennes a évolué à un rythme annuel de plus de 8.2% (de 85.1 MD en 2008 à 136.7 MD en 2014). Les établissements publics s’accaparent à eux seuls la somme de 126.1 MD en 2014 contre 10.6MD pour les établissements privés.
Le volume d’endettement de l’année 2014 est composé à raison de 47.7% des dépenses liées au fonctionnement et 53.3% aux dépenses d’investissement. De même, 76 communes s’accaparent 66.8% du stock de la dette.
Les causes de l’endettement des communes tunisiennes
L’effet ciseaux que les communes tunisiennes ont connu durant la dernière décennie a été une cause importante de la prolifération du phénomène d’endettement.
En fait, cet effet prend naissance lorsque la moyenne d’évolution des dépenses excède celle des recettes ordinaires. A titre d’illustration, un écart négatif moyen de 0,7% a été enregistré durant la période 2002 – 2010 entre le rythme de l’évolution annuelle des recettes ordinaires (6,1%) et l’évolution annuelle des dépenses 6,8%.
Heureusement, ce phénomène s’est inversé durant la période (2011-2014) avec un écart positif de 1,2% puisqu’il y a eu une évolution plus rapide des recettes ordinaires (8,5% moyenne annuelle /2011-2014) contre une évolution maîtrisée des dépenses ordinaires de l’ordre de 7,3%.
Le phénomène d’endettement peut être aussi expliqué par d’autres causes, à savoir :
- L’augmentation des coûts de rémunération (Augmentation annuelle- titularisation des agents vacataires);
- L’augmentation des coûts des facteurs de gestion (carburant, eau, électricité, maintenance, …);
- L’augmentation des charges supportées par les communes (décharges contrôlées, parcs urbains);
- L’accumulation des charges d’investissement relatives à sept plans d’investissement 87/2014 avec une enveloppe budgétaire de plus 4200 MD;
- La stagnation de ressources financières et la faible mobilisation des recettes.
Le nouveau rôle que doivent jouer les communes tunisiennes suivant la nouvelle Constitution peut être entravé par le phénomène de l’endettement.
Ce phénomène réduit les capacités des communes pour dégager l’autofinancement requis. A cet effet, l’administration centrale est appelée à élaborer un plan d’assainissement de cette situation, avant l’entrée en vigueur des dispositions du chapitre 7 de la Constitution du 27 juin 2014, avec la promulgation des textes d’application y afférents. Il faut signaler dans ce sens qu’il y a des communes qui ont trouvé des difficultés pour apurer leurs dettes malgré la disponibilité des crédits nécessaires. Généralement les dettes concernées par cette situation se rapportent à des dépenses effectuées sans le respect des procédures des marchés publics essentiellement la concurrence et non soumises à un visa préalable par les contrôleurs des dépenses publiques. Une note circulaire nationale peut aider à trouver des solutions pour la régularisation de ces cas impliquant toutes les parties prenantes de la chaîne de la dépense publique.