On s’attendait à ce que le sommet de l’OTAN du 8 juillet en Pologne se penche sur le ‘’Brexit’’, l’événement qui a secoué l’Europe et fait des vagues un peu partout dans le monde.Eh bien non. ‘’Brexit’’ ou pas, terrorisme sans précédent ou pas sur cette planète, pour l’Otan et pour son patron, les Etats-Unis d’Amérique, rien n’y fait, c’est la Russie qui constitue la plus grande menace pour la sécurité mondiale.
A partir de ce constat, les décideurs à Washington, toujours soucieux de la sécurité et du bien-être des sept milliards de terriens, ont donc jugé que le meilleur moyen de contrer cette menace est d’organiser une démonstration de force à Varsovie, c’est-à-dire aux portes de la Russie, afin de faire comprendre à M. Poutine que si vraiment il a l’intention de foncer sur les Pays Baltes et de poursuivre jusqu’aux capitales des pays de l’Est, comme au bon vieux temps des années 50 et 60 du siècle dernier, ils trouvera un barrage de blindés et des colonnes de vaillants soldats euro-américains pour faire échouer son entreprise expansionniste.
Ce qui est grave, c’est que sur la base de telles balivernes et de telles absurdités que les politiciens, genre Ashton Carter, patron du Pentagone, et les militaires américains, genre Martin Dempsey, son chef d’état major, prennent leurs décisions et construisent leurs stratégies.
La « menace russe » aujourd’hui fait écho à la « menace des armes de destruction massive » que posait hier l’Irak de Saddam pour le monde, selon Bush 2. Hier comme aujourd’hui, les Etats-Unis n’ont pas le courage d’exposer ouvertement et franchement les raisons et les motifs qui expliquent leurs politiques et leurs stratégies dévastatrices. Ils ont toujours besoin de prétextes mensongers pour cacher leurs véritables desseins, inavouables et obscurs.
Ces prétextes mensongers sont généralement mis en avant dans le cadre d’une campagne de propagande qui prend la forme d’une hystérie collective, comme pour leur donner la crédibilité qui leur manque. L’hystérie qui avait saisi la classe politique américaine et la bureaucratie de l’Otan hier contre l’Irak et Saddam Hussein, qualifié de Hitler, n’est guère différente de l’hystérie qui les saisit aujourd’hui contre la Russie et Poutine, qualifié lui aussi de Hitler.
Grâce au prétexte mensonger des armes de destruction massive les Etats-Unis se sont permis, sans honte aucune, d’écraser un pays à genoux et d’envoyer ses vingt millions d’habitants en enfer. Treize ans après, les Irakiens y sont toujours.
Alors que les incendies allumés par l’utilisation de ce prétexte ne cessent de s’étendre et de consumer tout sur leur passage, les stratèges washingtoniens n’ont pas perdu de temps pour confectionner vite fait un nouveau prétexte mensonger, la menace russe.
Les desseins qui se cachent derrière cette nouvelle manipulation sont clairs : répondre à ceux, et ils sont nombreux, qui pensent que l’OTAN a fait son temps, qu’elle ne sert plus à rien et qu’elle aurait dû s’auto-dissoudre juste après la désintégration de sa sœur-ennemie, l’Organisation du Pacte de Varsovie ; convaincre les pays européens qu’ils sont en danger et que, par conséquent, ils doivent augmenter leurs budgets défense et s’empresser de faire leurs commandes en armements auprès des fabricants américains ; maintenir ces mêmes pays européens dans le carcan otanesque et les empêcher ainsi de tisser de solides liens amicaux et commerciaux avec la Russie ; et, enfin, se servir de l’OTAN comme d’un second bras armé de l’Amérique.
Hier, tout le monde savait que l’Irak ne présentait aucun danger, mais personne n’avait pu s’opposer à la détermination américano-britannique de casser l’Irak. Pas même les millions de manifestants qui battaient le pavé des grandes capitales en mars 2003, quelques jours avant que la paire infernale Bush-Blair n’entre en action.
Aujourd’hui, tout le monde sait que la Russie non seulement ne présente aucune menace, mais c’est le pays le plus sérieux et le plus décisif en matière de lutte antiterroriste. Elle utilise son modeste budget militaire (le 1/10e du budget du Pentagone) pour ses besoins défensifs et non pour arpenter le monde, tout en bombant le torse, à la recherche de « monstres à détruire ».
Certes, cela fait des années que les Pays baltes, le nouveau régime en Ukraine et certains anciens membres du Pacte de Varsovie supplient les Etats-Unis et l’OTAN d’envoyer des troupes sur leurs territoires, car soutiennent-ils sans rire « l’invasion russe est imminente ». Mais leurs motivations sont plus économiques que sécuritaires. Ces pays savent pertinemment que les Russes, très occupés à développer leur pays, n’ont ni le temps, ni l’intérêt, ni le désir de les envahir. Ce qui intéresse ces pays donc, c’’est la dynamique économique que génèreraient les milliers de soldats américains ou de l’Otan dans la zone qui les accueille.
Les plus heureux de la décision américano-otanesque d’envoyer 4000 soldats en Pologne seront sans doute les pouvoirs locaux de la région où ces soldats étrangers bâtiront leur campement…
L’hystérie américano-otanesque contre la Russie n’est pas du goût de tout le monde. Les Allemands, par exemple, n’apprécient pas du tout les vociférations anti-russes totalement injustifiées. Le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a sagement commenté l’hystérie anti-russe en ces termes : « On serait bien avisé de ne pas créer les prétextes pour ressusciter la vieille confrontation. »
Mais malheureusement, des pays européens, grands et puissants, comme l’Allemagne, se contentent d’exprimer gentiment des avis divergents, mais se gardent bien de briser le carcan de l’Otan dans lequel ils se trouvent enserrés. Pourtant leurs intérêts nationaux, l’intérêt de l’Europe, l’intérêt de la sécurité dans le monde nécessitent l’urgente dissolution de cette survivance anachronique de la Guerre froide.