Le professeur en droit constitutionnel Amine Mahfoudh donne un éclairage sur la décision du chef du gouvernement, Habib Essid, de s’en remettre à l’Assemblée des représentants du peuple, dans une déclaration accordée à leconomistemaghrebin.com et donne les scénarios possibles suite à cette décision.
Contrairement à une idée reçue véhiculée par des personnes non averties, Amine Mahfoudh a expliqué que rien n’empêche de voter une motion de censure contre le gouvernement en période d’état d’urgence – qui vient d’être prorogé – et de préciser que dans ce genre de situation, il faut faire la distinction entre l’état d’exception et l’état d’urgence : « Il ne faut pas confondre entre l’état d’urgence, qui est réglementé par un décret qui date de 1978, soumis à un régime bien déterminé apte à renforcer les pouvoirs de l’Autorité administrative tel le Ministre de l’Intérieur pour faire face à des troubles à l’ordre public et l’état d’exception qui est en revanche une mesure limitée dans le temps, et qui autorise un chef d’Etat, en cas de péril imminent dans le pays, à suspendre certains droits et à déroger à certaines dispositions prévues dans la Constitution. A la différence de l’état d’urgence, l’état d’exception est la prérogative du seul Chef de l’Etat à qui lui sont conférés des pouvoirs exceptionnels, une sorte de « dictature temporaire » pour faire face à un danger imminent». Et de préciser que c’est un décret qui soulève un problème de constitutionnalité.
Et de poursuivre : « En plus clair, une motion de censure contre le gouvernement ne pourrait pas être votée en période d’état d’exception que le Chef de l’Etat décrète pour protéger le pays contre un grave danger imminent. S’agissant chez nous d’un état d’urgence, décrété pour conférer aux forces de l’ordre des pouvoirs temporaires en cas de troubles ou menaces graves à l’ordre public, rien n’empêche le vote d’une motion de censure contre le gouvernement par l’ARP».
Répondant à notre question relative aux scénarios possibles suite à la décision de Habib Essid de se rendre à l’Assemblée des représentants du peuple, le professeur a indiqué : « Nous ne pouvons pas prévoir les intentions de M. Habib Essid mais tous les scénarios sont possibles et en plus, il ne tient qu’ à lui de choisir le moment de sa démission », ponctue-t-il.
Ainsi, le Chef du gouvernement pourrait demander à l’ARP un vote de confiance sur la poursuite de l’action du gouvernement. S’il ne veut pas y aller, l’article 97 autorise le vote d’une motion de censure contre le gouvernement même si le pays est en état d’urgence , « et là il n’existe pas un problème politique mais c’est un problème d’opportunité politique », assène le professeur Mahfoudh.
Toujours est-il qu’ Amine Mahfoudh estime que la situation de Habib Essid est loin d’être confortable : « S’il va au Parlement pour tenir un discours de langue de bois, cela ne servira à rien. Par contre, s’il éclaire l’opinion publique sur les différentes difficultés partisanes, juridiques et constitutionnelles qu’il a rencontrées, il aura fait oeuvre utile à l’adresse du prochain gouvernement et de l’opinion publique ».
En conclusion, le Pr Amine Mahfoudh n’a pas exclu la possibilité que Habib Essid présente sa démission juste après le discours.