La raison d’être de l’écriture d’une Constitution est de l’appliquer pour contrer la parole volatile, changeante et arbitraire. On n’écrit donc pas une constitution pour l’enfreindre ou la mettre entre parenthèse en se tournant vers des formules aussi emphatiques que galvaudées comme le consensus ou le compromis. La nôtre nous a coûté trois années de calvaire infligé par une kyrielle de constituants élus «démocratiquement et dans la transparence» !
Alors qu’une Constitution écrite est présentée comme le fondement de l’exercice du pouvoir d’État dans la plupart des pays de la planète, il ne semble pas y avoir de corrélation évidente, dans la Tunisie du 21ème siècle, avec l’effectivité des règles qu’elle contient et les accommodements proposés sous formes d’initiatives retorses par le premier personnage de l’Etat, censé être le principal garant de la loi fondamentale. Autrement dit, ce n’est pas parce que l’on affirme la valeur de la Constitution que ses règles s’en trouvent dès lors avoir une effectivité réelle.
Ce que constatent actuellement plusieurs citoyens, c’est le spectacle navrant de manœuvres condamnables d’une classe politique, toutes tendances confondues, qui se joue de la stabilité et de la destinée de notre pays dans une course à l’échalote pathétique. Tous ceux qui ne sont pas engagés dans un parti politique et qui gardent une bonne distance avec les prosélytes, les lobbys et les arrivistes estiment que le chef du Gouvernement actuel est l’archétype du grand commis de l’État, un homme discret, honnête, travailleur, connaissant les méandres de l’administration pour y avoir exercé de hautes fonctions. Il n’est nullement parfait, certaines carences dans sa gestion peuvent être palliées, du moment que les intentions de l’establishment sont bonnes et convergent vers l’intérêt exclusif du pays.
Son grand défaut, d’après ce que tout un chacun a compris, c’est son indocilité à l’égard des quémandeurs insolents et des lobbyistes sans retenue, qui ont la grâce et l’élégance d’une horde de hyènes affamées se ruant vers une mangeoire à peine garnie ! Le comble est que le signal de la curée a été donné par celui qui est censé veiller au respect de la Constitution, consacrée par une cérémonie semblable à celle qui a été célébrée un certain 7 novembre 2008 sous l’appellation de pacte national. La meute est satisfaite de ces petits arrangements mafieux. La constitution peut être bafouée dans un silence complice !
C’est sans compter sur le réflexe républicain du chef du Gouvernement qui a bien fait de ne pas démissionner dans un acte de soumission aux desidrrata des instigateurs. Il a rétabli les valeurs de la République en sollicitant le recours à la Constitution, dont l’encre n’a pas encore séché ! Il passera devant l’ARP pour réclamer un vote de confiance. Que chacun prenne ses responsabilités. Les indépendants ainsi que les représentants à l’Assemblée du Front Populaire seraient bien inspirés de voter la confiance à la séance plénière du 30 juillet 2016 pour démontrer leur refus des combinazione. L’argument développé par le Front Populaire qui « n’avait pas voté pour l’investiture du gouvernement Habib Essid, prédisait son échec, n’y avait pas fait partie, et de ce fait, il est fort improbable qu’il change cette fois de position », ne tient pas la route dans ces circonstances. Il s’agit d’un vote historique, chacun doit se positionner et affirmer clairement le rejet des manœuvres déloyales.
Au chef du Gouvernement d’exposer son bilan et surtout de mettre les cartes sur la table, dévoilant les dangers que la Tunisie court à cause des cupidités et des félonies. Il sortirait ainsi par la grande porte aux yeux du peuple tunisien et serait en réserve de la République pour 2019, un candidat plus crédible que d’autres prétendants, otages des lobbys et des pouvoirs étrangers, s’il se résout à être plus offensif et mieux communiquant.
Soyez certains que son successeur sera absolument consensuel, donc bien pâle, pour ne pas faire d’ombre au président de la République et sa camarilla. Avec un tel pedigree, nous pouvons être sûrs que ses talents seront largement sollicités pour résoudre les problèmes du pays au milieu de la médiocrité ambiante et l’immobilisme consensuel !