Mais qui veut vraiment la peau du chef du gouvernement Habib Essid, à l’heure où les tractations pour la mise en place d’un gouvernement d’union nationale tel que préconisé par le président de la République, ont tout l’air de s’éterniser, voire de déboucher sur un on prend les mêmes et on recommence, au grand dam d’une opinion agacée par la désinvolture et le manque de discernement de sa classe dirigeante ?
Mais qui veut pousser vers la sortie un homme dont on tarde à connaitre le nom de son successeur, et qui a décidé de ne pas se laisser faire ? Je suis tenté de dire : à la fois, tout le monde et personne. Qu’il parte ou qu’il reste, qu’est-ce que cela changera, si les conditions dans lesquelles M. Essid a travaillé resteront les mêmes ?Et si l’idée même d’un gouvernement d’union nationale n’était qu’un subterfuge pour redistribuer les cartes, et un toilettage dont on peut entrevoir les limites ?
Tout dans les interminables négociations en cours laisse à penser que l’on se dirige tout droit vers le même immobilisme, mais sous une autre forme, ce qui n’est pas pour déplaire à des partis politiques qui ont fait de la surenchère leur principal fonds de commerce. Résultat, on est bien reparti pour une paralysie de toutes les énergies.
On dansera tout l’été à crédit, on verra bien l’hiver ! Je ne sais pas, chers lecteurs, si vous avez eu la même impression que moi en voyant la retransmission à la télévision de la cérémonie de signature de ce qu’il faut bien appeler l’Accord de Carthage qui, semble-t-il, fixera la feuille de route pour la constitution du futur gouvernement d’union nationale. Une impression de déjà vu. Cela ne vous rappelle-t-il pas la cérémonie de signature du fameux Pacte national sous Ben Ali ?
En attendant, M. Essid a fait le choix très contesté de s’en remettre au parlement, et on peut comprendre qu’il ne veuille pas porter tout seul le chapeau d’échecs que lui-même reconnait.
Qu’il ait décidé de prendre à témoin les élus du peuple, c’est bien vu quand on connait les manigances de couloirs. La voie constitutionnelle lui permettra-t-elle d’atteindre son but au moment même où sa gestion des affaires continue à faire des vagues et que sa popularité est paradoxalement légèrement en hausse ?
Dans un tout autre contexte, le Premier ministre britannique David Cameron ne s’est pas posé trop de questions lorsqu’il lui a fallu assumer l’échec de sa campagne anti-Brexit : il a tout simplement démissionné de son poste. Plus près de chez nous, je ne sais pas si vous avez retenu le nom de ce ministre irakien de l’Intérieur, qui a remis sa démission au chef du gouvernement irakien Haider Abadi, tout juste après l’attentat sanglant qui a secoué, il y a quelques jours, la capitale Bagdad ? Il s’appelle Mohamed Al-Ghabban, et après le carnage, il a voulu assumer ses responsabilités. Combien sont-ils chez nous à faire de même ?
Retenez bien ce nom, car un ministre dans le monde arabe, ça démissionne rarement, pour ne pas dire jamais, même si ses manquements sont avérés ; ça ferme plutôt sa gueule, pour reprendre une expression chère à un certain Jean-Pierre Chevènement. J’ajouterai : et ça profite aussi !