Fini le temps de l’incantation et de la proclamation de principes généraux qui laissent de marbre nos chefs d’entreprise qui n’en peuvent plus. Venons-en aux faits, au constat immédiat qui interpelle le prochain gouvernement. De quoi et de qui s’agit-il ?
De nos entreprises en perte de mobilité, de vitesse, de flexibilité et d’assurance. A cette longue pause estivale, elles ont beaucoup perdu de leur réactivité, de leur faculté d’adaptation et de leur agilité tout en étant frêles et petites. Elles manquent de visibilité quand les exigences de la mondialisation les obligent à avancer au pas de course tous phares allumés. Elles sont de surcroît lestées, submergées de surcharges qu’elles traînent comme un boulet en dépit des actions correctrices pour restaurer un meilleur climat des affaires. La capacité de faire face à la concurrence, à défendre leurs parts de marché ici et à l’international s’effrite quand elle ne s’effondre pas : la raison en est que la courbe de productivité des entreprises s’est au mieux aplatie alors que pour le plus grand nombre d’entre elles, elle s’est même inversée tout au long de ces quatre dernières années. La productivité globale des facteurs recule et celle des entreprises s’est largement détériorée.
Même les dévaluations compétitives que plus rien n’arrête, qui sont autant de solutions, de facilités et de tricherie n’arrivent pas à la redresser. Autant dire que le mal est très profond. Preuve, l’aggravation de notre déficit commercial qui bat chaque mois son propre record. Il est à son plus haut niveau, tout comme l’endettement lié inexorablement à l’ampleur de nos besoins de financement. La dégradation du couple productivité –compétitivité plonge l’économie dans un terrible cercle vicieux. Les dommages collatéraux impactent l’investissement en pleine stagnation, ce qui signifie son recul en ces temps d’accélération des innovations technologiques.
Sans perspective de profit, les entreprises rechignent à investir, quand bien même elles en auraient les moyens, ce qui est loin d’être le cas, surtout quand elles font les frais de politiques de resserrement du crédit de la part du secteur bancaire qui n’est pas lui non plus au mieux de sa forme.
Les entreprises qui n’ont pas pleinement entamé leur marge de productivité donnent d’énormes signes de vulnérabilité et de faiblesse. Jusqu’où et jusqu’à quand résisteront–elles aux assauts ravageurs de syndicalistes en furie, à l’immobilisme propre à toutes les bureaucraties, à la pression de charges fiscales et sociales devenue insoutenable en période de disette de croissance et aux effets dévastateurs de l’économie parallèle qui démolit l’appareil productif et spolie l’Etat ?
Au rythme où toutes ces tares se propagent, celles-ci ne tiendront pas longtemps avant de déposer les armes avec les conséquences que l’on imagine.
La compétition économique, dont nous ne pouvons nous extraire, ne connaît pas de répit. Nous n’avons d’autre alternative que de vaincre ou périr. La vérité est qu’aujourd’hui, plus qu’à aucun autre moment, nos entreprises ne sont pas hélas convenablement outillées pour la victoire. Ce qui en économie ouverte, mondialisée et dérégulée les expose au danger d’euthanasie.
On mesure à la gravité de la situation des entreprises, l’importance et la nature du rôle du prochain gouvernement qui se trouve dans l’obligation de dissiper l’épais brouillard qui obscurcit leur horizon, de les délester des charges inutiles et de coûts exorbitants qui ne relèvent pas de leur process de production, de les libérer du corset administratif. Il doit impulser et aider à construire un dialogue social rénové qui a autant le souci de l’impératif social que des exigences de compétitivité des entreprises.
Le prochain gouvernement est à cet égard placé au défi de garantir la paix sociale sans laquelle, il serait illusoire d’envisager un quelconque scénario de croissance.
Les entreprises ne peuvent évoluer dans un environnement non apaisé, non assaini et non quasi consensuel. Leur survie est conditionnée de surcroît par leur aptitude à atteindre au plus vite une taille critique qui les mette en capacité de s’imposer dans la compétition régionale voire mondiale. Seule une stratégie de développement à l’international peut leur offrir une telle opportunité. C’est pourquoi, l’Etat doit, dans cette étape décisive de leur développement, les accompagner pour faciliter et rendre possible leur implantation à l’étranger. C’est là qu’elles iront chercher l’effet taille et les parts de marché qu’elles doivent conquérir.
Le gouvernement doit mettre à leur disposition les moyens humains, financiers, logistiques, diplomatiques…pour accélérer leur internationalisation et leur insertion dans l’économie monde. Il y a là un gisement d’emplois et des perspectives prometteuses pour nos jeunes diplômés et notre expertise nationale appelés à évoluer hors de nos frontières. Sans quoi le marché local ne saurait à lui tout seul, quelle que soit l’intensité de la croissance, absorber la demande additionnelle de jeunes diplômés qui accèdent au marché du travail.
Pour ces raisons comme pour d’autres, le prochain gouvernement doit à l’évidence renouveler et moderniser et adapter sa boîte à outils, réinventer son propre rôle et ses modes d’intervention. Il ne peut plus se limiter aux seules mesures de relance et de régulation budgétaire d’essence macroéconomique. Encre faut-il qu’il en ait les moyens financiers. A moins de réactiver le partenariat public-privé pour desserrer sa contrainte budgétaire et se donner un peu plus d’air. La croissance sera tirée vers le haut à l’idée d’impliquer et d’associer l’investissement privé dans l’action de développement.
Nos entreprises ont aujourd’hui grand besoin d’un climat serein. Ce rôle est dévolu à l’Etat qui sait que les marchés ont horreur du vide et que sans son autorité rien ne peut arrêter la valse des prix.
La popularité voire la survie du prochain gouvernement est d’ailleurs liée à sa capacité à juguler l’inflation, à réhabiliter le couffin de la ménagère, à mettre fin à la souffrance et aux frustrations d’individus spoliés par des spéculateurs, des délinquants pires que des criminels agissant en toute impunité.
Sans stabilité monétaire, tout dialogue social devient difficile, improbable sinon impossible car les notions de salaires, de productivité et de compétitivité perdent de leur signification. Les entreprises n’auront plus leur destinée en main, exposées qu’elles seraient aux surenchères et aux effets dévastateurs de rapports de force qui dénatureront le dialogue social. Vaste programme, vaste chantier qui attendent le prochain gouvernement.
En économie, il n’y a pas de miracle. Il faut simplement se donner les moyens de la réussite qui en la matière se résument à peu de choses : libérer la croissance.
Il ne s’agit rien d’autre que de faire sauter dans l’immédiat les blocages administratifs, d’en finir avec les archaïsmes socioculturels qui freinent l’expansion du tissu productif, de libérer l’initiative privée, de mettre de nouveau en confiance investisseurs étrangers et touristes en quête de confort et de sécurité.