Emettre des réserves fondées et motivées sur les visées du Président de la République et ses procédés est un droit et un devoir citoyen. Surtout lorsque ces prétentions sont si obstinées et persévérantes. Nous voyons bien où il veut en venir.
Outre la révision de la Constitution en ligne de mire et sa détermination à vouloir faire main basse sur tout l’Exécutif, il y a un vrai danger qui se profile quant aux libertés dans ce pays… Il est de salubrité publique d’en avertir les Tunisiens et de les exhorter à ne pas se laisser subjuguer. De là découle aussi les objections sur le choix du Chef de gouvernement pressenti. Dans le parcours de ce quadra qu’on nous «recommande», il y a des particularités qui peuvent intriguer. Il serait si bénéfique qu’il s’en ouvre à l’opinion publique à leur sujet, qu’il fournisse des précisions et prenne inévitablement des engagements qui rassureraient.
Il y a, tout d’abord, son passage de quelques années en tant qu’employé au Foreign Agricultural Service à l’ambassade américaine de Tunis et son rôle éventuel dans les démarches des Etats-Unis pour convaincre les autorités tunisiennes de procéder à l’adoption, la commercialisation et l’utilisation de la « biotechnologie » (OGM et pesticides) dans le domaine de l’agriculture. Ensuite, il s’agit de clarifier son point de vue sur une inadmissible autorisation qui serait donnée aux investisseurs étrangers de posséder des terres agricoles en Tunisie. Ce sont ces questions qui préoccupent bien davantage que les considérations affligeantes soulevées ici et là sur les liens de parenté… Ces aspects touchent à la souveraineté de la Tunisie et à son indépendance, il est primordial que la réputation d’un futur Chef de gouvernement ne soit pas entachée par de présumées accointances avec une puissance étrangère. Qu’il soit intraitable et le fasse savoir s’il s’agit de simples bobards.
L’autre sujet qui doit être éclairci concerne la relation entre les deux têtes de l’Exécutif. Il est fondamental que le nouveau Chef de gouvernement s’engage non seulement à appliquer strictement la Constitution, mais aussi en mettant les points sur les «i», pour reprendre la formule conçue par un ancien Premier Ministre français qualifiant sa relation avec le président de la République, en disant que «lui c’est lui et moi c’est moi», en agissant en conséquence et en donnant la confirmation de ce respect des prérogatives de chacun à travers des actes.
Tout Tunisien ayant le souci de préserver les intérêts de son pays ne peut que souhaiter la réussite à ceux qui détiennent le pouvoir et agissent pour le bien public, surtout en cette période de tous les dangers. Le préjugé favorable à l’action, s’il en est ainsi, est de mise pour ce qui concerne tout nouveau gouvernement, abstraction faite des personnes qui le composent. Cela ne signifie pas d’être inféodé à quiconque. Ce préjugé favorable à l’action, qui est un jugement prématuré, a un caractère aléatoire et conditionnel. Mais, même un bon préjugé n’est rien de plus que du vraisemblable. Il lui manquera de résulter d’un parcours. A strictement parler, tout dépend de la suite des événements et de la manière employée pour la conduite des affaires. Dans ce contexte il s’agit de n’être, pour les acteurs de la vie politique et sociale et des Tunisiens d’une façon générale, ni des spectateurs épiant les failles et les erreurs, ni des élément de corrosion et de sabotage. II doit y avoir un pari sur la réussite et une volonté sincère d’y participer chacun dans son rôle.
Cela ne signifie nullement d’accorder un chèque en blanc. Le prochain gouvernement marquera sans doute un tournant décisif dans le destin de ce pays. Un tournant négocié habilement pour s’extraire du bourbier dans lequel nous pataugeons depuis des années, ou bien un pas en avant vers le chaos. Même un maintien du statu quo aura de graves conséquences. Cependant, il y a un préalable fondamental sur lequel il n’est pas question de transiger, c’est celui de l’indépendance et de la souveraineté de la Tunisie. C’est la clé de voûte de toute réussite envisageable, soutenue par une adhésion générale éveillée.
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